L'Afrique a un lion dans le moteur
par Franz-Olivier Giesbert





Les "braillards" de l'antimondialisation ne pourront jamais rien contre la réalité qui, aujourd'hui, crève les yeux : grâce à la vague mondiale d'échanges commerciaux, 1 milliard de Terriens sont sortis de l'état d'extrême pauvreté (1,25 dollar par jour) au cours des vingt dernières années.

Certes, il reste encore 1,2 milliard de personnes en situation de détresse alimentaire, notamment dans une partie de l'Afrique subsaharienne. Mais il faut être totalement déconnecté de la réalité comme nos chers "néocons" franco-français pour ne pas observer une nette amélioration depuis la fin du siècle dernier : le nationalisme rend sourd. Aveugle aussi.



Hegel aurait dit que l'Histoire va dans le bon sens : c'est la croissance, dopée par les échanges internationaux, qui diminue la pauvreté à un rythme soutenu, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine, tandis qu'émerge un monde nouveau qui écrit l'avenir sans nous.
Le bonheur des uns est souvent dur à vivre pour les autres, surtout quand ils tombent de leur piédestal. Nombreux sont ceux qui, dans notre Hexagone, rêvent de se barricader contre les vents du large en continuant à tourner leur petite soupe dans leur petite marmite devant leur petit feu. Puisque le monde n'est plus à nous, se disent-ils, quittons-le. C'est la tentation albanaise.

Paresse intellectuelle ou impensé raciste ? La France est l'un des derniers pays du monde à nier le miracle économique africain. Lors du dernier colloque franco-britannique qui réunit les élites des deux côtés de la Manche, Jean-François Copé discourait sur l'Afrique qui coule quand il se fit remettre à sa place par le patron d'origine ivoirienne de la société d'assurances britannique Prudential sur le thème : "Chers Français, il serait temps que vous mettiez vos montres à l'heure !" La presse hexagonale n'est pas mieux inspirée.

Sur les "lions africains", les autruches françaises nous infligent le même discours suffisant et affligeant que celui qui a longtemps servi pour les "quatre dragons asiatiques" (Corée du Sud, Hongkong, Singapour et Taïwan) : "Ne nous leurrons pas, ils partent de si bas que les chiffres ne veulent rien dire. Ce n'est pas demain la veille qu'ils nous feront concurrence." On connaît la suite. La Chine et l'Inde ont aussi eu droit, en leur temps, aux mêmes prévisions débiles. Au tour de l'Afrique.



Si elle était gagnée à son tour par l'afro-optimisme, la France trouverait une nouvelle raison de ne pas désespérer. On ne poussera pas le mauvais esprit jusqu'à dire que c'est pour cela qu'elle se voile les yeux devant les succès de ses anciennes colonies. Le FMI a pourtant prédit une croissance de 6 % en 2014 pour le continent africain après une année qui a notamment bien profité à la Côte d'Ivoire (+ 8 %), au Ghana (+ 7,9 %), au Mozambique (+ 7 %) ou à la Tanzanie (idem).

Ironie de l'Histoire : depuis peu, l'immigration se fait aussi à l'envers. Fuyant le chômage sur notre Vieux Continent, des Portugais retournent en grand nombre chercher du travail dans leurs anciennes colonies de l'Angola ou du Mozambique. Et ce n'est peut-être qu'un début.

Si elle est bien partie, l'Afrique a cependant, outre la lutte contre la pauvreté, pas mal de défis à relever. D'abord, sa croissance repose principalement sur l'exportation de ses abondantes matières premières : l'industrie, créatrice d'emplois durables, tarde à se développer. Ensuite, elle est dépassée par sa démographie galopante (40 % des Africains ont moins de 15 ans) et peine, c'est un euphémisme, à maîtriser son urbanisation. Enfin, elle est gangrenée, comme au Nigeria, par un intégrisme islamique qui ne recule pas devant les pires folies meurtrières.

Brisons là avec les bémols. Avec l'Afrique, la mondialisation dispose d'un nouveau moteur de croissance qui, le jour venu, pourra prendre le relais des autres. À nous d'en prendre conscience au lieu de nous enfermer dans un déni de plus en plus absurde.

L'Histoire est une roue qui tourne sans jamais s'arrêter. L'économie aussi. Certains en descendent, nous sommes bien placés pour le savoir, et d'autres montent, tels les "lions africains". Sans parler de ceux qui, au sommet, ont soudain un coup de mou. C'est ce qui arrive à la Chine : quand elle tousse, les marchés s'enrhument. Il a suffi que la croissance chinoise montre quelques signes de faiblesse, ces jours-ci, pour que le monde entier s'inquiète. Nouvelle preuve, s'il en fallait encore, que les horloges de la planète sont toutes réglées, désormais, sur l'heure de Pékin. Sans oublier celles de New Delhi ou de São Paulo, mais aussi d'Abidjan, Dakar ou Lagos...


30 Janvier 2014

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