Paquet énergie et changement climatique : au Parlement Européen de jouer



José Manuel Barroso a présenté aux députés le paquet législatif sur l'énergie et le changement climatique qui doit être adopté en codécision. Il comporte des mesures en matière d'énergies renouvelables, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'amélioration du système d'échange de quotas d'émissions, et de capture et de stockage de CO2. Les députés ont soutenu ces objectifs, mais émis des réticences concernant les biocarburants, le nucléaire, et l'impact sur l'économie et l'emploi.


Introduisant la séance, la Vice Présidente Rodi Kratsa-Tsagaropoulou (PPE-DE, EL) a qualifié le débat sur les conséquences du changement climatique de "défi pour l'UE et pour le reste du monde".
 
Commission européenne
 
José Manuel Barroso a présenté ce paquet, qui venait d'être finalisé par le collège des commissaires, comme étant "le plus complet au monde", une preuve que l'Europe est capable de s'occuper des besoins quotidiens des citoyens. "Ce paquet s'accompagne d'une feuille de route précise qui doit permettre d'atteindre les objectifs politiques fixés par le Conseil européen de mars 2007", a-t-il affirmé, annonçant les objectifs clés de 20% de réduction des gaz à effet de serre à l'horizon 2020 et de 20% d'énergies renouvelables à la même date.
 
Pour ce faire, le paquet comprend une série de mesures, pour la plupart contraignantes (détaillées ci-dessous à la fin de débat), que le Président de la Commission a présentées, insistant sur la question des biocarburants, la proposition créant "le système le plus efficace et le plus durable au monde de certification des biocarburants", et ajoutant qu'il fallait "promouvoir le développement rapide de la seconde génération de biocarburants".
 
José Manuel Barroso a ensuite longuement évoqué les aspects économiques des mesures, affirmant que leur coût sera de "3 euros par semaine et par personne", alors que selon les prévisions les plus basses, "le coût de l'inaction s'élève à dix fois cette somme". Il a aussi tenu à rassurer au sujet des risques de délocalisation pour les industries lourdes, menacées en termes de compétitivité par les concurrents issus de pays ne limitant pas les émissions. Ainsi, "les industries grandes consommatrices d'énergie bénéficieront de crédits d'émissions gratuits", et, a-t-il ajouté, "si nos espoirs d'accords internationaux sont déçus, il faudra envisager des options alternatives, comme l'obligation pour les importateurs d'acheter des crédits d'émissions à leurs concurrents européens".
 
Groupes politiques
 
Pour Marianne Thyssen (BE), qui s'exprimait au nom du groupe PPE-DE, l'Union européenne est en train de vivre aujourd'hui "une journée historique qui influencera notre manière d'agir et de penser". La Commission Barroso restera dans les annales pour son programme ambitieux de défense de l'énergie et de l'environnement. L'UE doit jouer un rôle de pionnier dans le reste du monde, a-t-elle ajouté. Toutefois, la réalisation concrète de ce paquet impliquera de prendre des décisions difficiles. Si le groupe PPE-DE appuie les cinq propositions-clés de ce plan "mûrement réfléchi", elles devront être mises en œuvre de manière "équitable et réalisable". Dans cette perspective, des critères devront être établis en toute transparence sur la base d'un dialogue avec les Etats membres, les régions et les différents acteurs avec l'objectif de maintenir une approche équilibrée entre énergie et environnement d'une part, et croissance économique et l'emploi, d'autre part. "Il faut garder en mémoire que l'inaction coûtera plus cher que l'action", a conclu la députée.
 
Au nom du groupe PSE, Hannes Swoboda (AT) s'est réjoui que les "objectifs soient les bons", mais a souligné la nécessité "d'appliquer tout cela". Il a ensuite exprimé son "scepticisme" au sujet des biocarburants, appelant à "investir pour arriver rapidement à la seconde génération". Concernant les émissions de gaz à effet de serre, il a estimé que "20%, c'est peut-être un objectif trop limité, mais il ne sert à rien de faire avancer l'UE seule si les autres ne suivent pas", soulignant le fait que des accords internationaux sont "indispensables", et que dans le cas contraire, "il faudra envisager un impôt à l'importation, ou une taxe CO2". "Il faut trouver un dénominateur commun entre l'environnement et les intérêts de l'industrie et des travailleurs", a conclu le député socialiste.
 
Graham Watson (ADLE, UK) s'est félicité de l'adoption de ce paquet, "l'acte le plus important posé par cette Commission Barroso qui répond au défi le plus grave auquel les citoyens sont confrontés". Le changement climatique requiert, selon lui, une action urgente alors que les démocraties nationales ont souvent tendance à gérer les problèmes quand les crises surviennent, c'est à dire trop tard. Se référant au Rapport Stern, le président du groupe ADLE a souligné que les estimations concernant le réchauffement de la planète pourraient coûter au monde jusqu'à 3,68 milliards de livres sterling au cours de la prochaine décennie. Ce qui signifie que "les dépenses de 1% du PIB mondial sont à relativiser". Tout en reconnaissant qu'il y aura un prix à payer en terme d'emplois touchés, le président du groupe ADLE a estimé que les mesures proposées seront bénéfiques pour la croissance "vous pouvez compter sur nous, mon groupe vous appuiera", a-t-il conclu.
 
Liam Aylward (UEN, IE), au nom de son groupe, s'est félicité de ce que l'on puisse "passer des visions à la réalité", et que si la "tâche est difficile, comme tous les défis, cela comporte des opportunités", tant scientifiques qu'économiques. Il a ensuite remis en cause l'objectif de 10% de biocarburants, qui lui semble "peut-être trop élevé", souhaitant un "réexamen en cas de pénuries alimentaires éventuelles", et la possibilité pour chaque Etat membre de bénéficier d'une certaine souplesse.
 
Rebecca Harms (Verts/ALE, DE) a estimé que la Conférence de Bali avait permis de redresser l'image de l'Union européenne : "les citoyens ont pu être fiers de nous". Mais cette confiance serait galvaudée si les paroles n'étaient pas suivies d'actes conséquents. Elle a appelée à la fermeté, notamment en ce qui concerne l'énergie nucléaire et la politique des transports. La députée a souligné aussi que l'économie de marché était à l'origine du problème du changement climatique, "ce n'est ni la Chine ni l'Inde" et qu'il fallait "la réglementer". La représentante du groupe des Verts-ALE a convenu également de la nécessité "de parler des charges qui pèseront sur l'industrie".
  
Pour Roberto Musacchio (GUE/NGL, IT), la ligne suivie est "juste", et "l'Europe doit agir sérieusement". Il s'est toutefois montré "perplexe" sur plusieurs points : le "poids excessif" accordé aux biocarburants, l'assimilation du nucléaire à une énergie durable et propre, "ce qu'elle n'est pas", ou les techniques de captage et de stockage de CO2. Il a estimé que "la crédibilité européenne doit être renforcée", ce dossier étant "un banc d'essai pour l'UE", et devant "être adopté avant les élections de 2009". Il a aussi affirmé son souhait que les transports routier et aérien soient pris en compte, ainsi que la sidérurgie.
 
Johannes Blokland (IND/DEM, NL), s'est félicité du projet législatif présenté aujourd'hui. Essentiel pour la politique énergétique et climatique de l'Union européenne, il ne manquera pas de susciter de nombreuses critiques notamment pour ce qui concerne l'échange des droits d'émission, le captage du carbone ou les biocarburants qui posent des problèmes à l'industrie. Le député a appelé la Commission à respecter son programme et "à garder la tête froide malgré les pressions". 
 
Irena Belohorská (SK), qui s'est exprimée au nom des Non-inscrits, a qualifié cette proposition "d'extrêmement importante pour tous et pour l'Europe". Rappelant que la Conférence de Bali avait "posé les bases d'un accord international", elle a souligné que "la situation des pays en développement était différente", et que "la Chine et l'Inde doivent recevoir des encouragements", avant de stigmatiser l'attitude des Etats Unis à ce sujet.
 
Commission temporaire sur le changement climatique
 
Selon le rapporteur de la commission temporaire, Karl-Heinz Florenz (PPE-DE, DE), le changement climatique requiert une action urgente qui se traduise en propositions concrètes, vitales pour les générations futures. Estimant que le paysage économique européen sera complètement bouleversé, il a plaidé pour une prise en compte équitable de toutes les parties prenantes. Tout en déplorant l'absence de référence au problème de traitement des déchets, il a appuyé les objectifs du paquet législatif, estimant que c'était "une chance pour notre environnement et une opportunité pour l'industrie ainsi que pour nos jeunes générations".
 
Pour Guido Sacconi (PSE, IT), Président de la commission temporaire sur le changement climatique, il est "important que la Commission soit venue informer le PE en temps réel de l'adoption de ce paquet", se réjouissant de ce que les propositions "correspondent aux objectifs définis par le Parlement et le Conseil". Il a qualifié la Conférence de Bali de "succès", et a affirmé que "maintenant que l'UE a pris le rôle de chef de file, il ne faut pas qu'elle arrive aux Conférences de Poznan´ et de Copenhague les mains vides". Ainsi, le "PE doit jouer son rôle", afin de "boucler ce dossier sous cette législature".
 
Députée française
 
Selon Françoise Grossetête (PPE-DE, FR), le Président Barroso a présenté un objectif ambitieux de production d'énergies renouvelables avec la finalité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, sans pénaliser les perspectives de croissance. Toutefois, la base de calcul de la Commission fondée sur le Produit intérieur brut (PIB) de chaque Etat, lui semble inadéquate. En effet, selon la députée, il faut que: "l'effort global de réduction des émissions attendu de chaque Etat membre, d'ici 2020, varie selon le niveau de départ de ces émissions par habitant, sans préjuger, bien sûr, des mécanismes de solidarité entre Etats, c'est-à-dire qu'il faut tenir compte de la part globale des énergies non carbonées dans le bouquet énergétique de chaque Etat". Et de conclure : "Il ne faut confondre, en somme, les objectifs et les moyens".
 
Commission
 
Répondant aux députés, José Manuel Barroso a rappelé que le paquet venait d'être adopté, et qu'en conséquence, "certains commentaires semblent fondés sur les travaux préparatoires et non sur le texte qui va être présenté". Il a exprimé sa "fierté" de pouvoir présenter une "décision finale ambitieuse et équilibrée", espérant une adoption dans la législature. Cela lui semble réalisable, car "les deux Présidences (de 2008) sont déterminées à aller très vite".
 
Revenant sur les "points politiques difficiles" soulevés par les députés, il a rappelé la volonté de parvenir à un équilibre entre économie et écologie, soulignant la mise en place de mesures visant à réduire l'impact sur l'industrie an cas d'absence d'accord international. Au sujet du partage du coût des objectifs entre Etats membres, le Président de la Commission a précisé que la proposition prévoyait que si la moitié des objectifs en matière d'énergies renouvelables était partagée également entre eux, l'autre moitié l'était en fonction du PIB par habitant de chaque Etat. Enfin, pour les biocarburants, il a rappelé que "pour la première fois, il y a des critères de durabilité, tant pour la production domestique que pour les importations", invitant là aussi à penser en termes d'accords internationaux.
 
Points clés de la proposition législative
 
Le paquet s'articule principalement autour de quatre propositions législatives qui doivent être adoptées en codécision :
 
- Un texte visant à élargir et à améliorer le système européen de quotas d'émissions (EU ETS). Ce système mis en place en 2005 permet à 12000 établissements industriels européens d'acheter et vendre des quotas d'émissions de gaz à effet de serre. Ces entreprises se voient attribuer des allocations (1 allocation = 1 tonne de CO2) par les Etats membres, et celles ne parvenant pas à respecter les crédits de pollution accordés ont la possibilité de racheter des allocations aux entreprises plus efficaces, mais doivent toutefois payer une amende de 40 euros par tonne de CO2 hors quota (le prix d'un crédit d'émission d'une tonne étant d'environ 10 euros).
 
La Commission souhaite améliorer ce système, car les Etats membres se sont montrés trop généreux en nombre d'allocations, d'autant qu'elles ont souvent été distribuées gratuitement au lieu d'être vendues, ce qui a fait baisser le cours des crédits d'émission, réduisant ainsi l'efficacité du système. La proposition devrait donc entre autres réduire (voire supprimer) la possibilité d'accorder des allocations gratuitement.
 
- La Commission envisage également de mettre en place une limite d'émissions de gaz à effet de serre pour chaque Etat membre pour les secteurs non couverts par le système EU ETS, l'objectif général étant une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 (par rapport au niveau de 1990). L'UE est disposée à se fixer comme objectif 30% de réduction si d'autres pays développés consentent à faire de même. La proposition législative comprend des recommandations et des objectifs différenciés pour chaque Etat membre, ce qui pourrait créer des tensions au Conseil, certains Etats membres s'estimant d'ores et déjà lésés.
 
- Un autre élément du paquet risque de créer des dissensions au sein du Conseil pour cette même raison d'objectifs différenciés, à savoir la proposition visant à augmenter la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique des Etats membres. L'objectif à l'échelle de l'UE est fixé à 20% d'énergies renouvelables en 2020. Cette proposition législative fixe aussi un objectif de 10% de biocarburants en 2020, avec parallèlement la mise en place de critères visant à garantir que les biocarburants soient produits de manière durable, de récentes études ayant remis en cause leur bilan environnemental.
 
- La création d'un cadre légal pour les techniques de piégeage et de stockage de CO2 qui doivent permettre de réduire de manière importante les émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles utilisés dans les centrales thermiques et dans l'industrie. Cette proposition comprend également des mesures visant à favoriser les technologies de "charbon propre".


Janvier 2008

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