COP 21
Climat : la Banque mondiale prône un monde zéro carbone

Par Simon Roger

« Comme le montrent les recherches scientifiques, il convient de restructurer l’économie mondiale si l’on veut réduire à zéro les émissions nettes [de gaz à effet de serre] avant la fin de ce siècle. »

Ces propos tranchants ne détoneraient pas de la part d’une ONG préparant la Conférence de Paris sur le climat (COP21). Prononcés par Rachel Kyte, vice-présidente du Groupe de la Banque mondiale, ils risquent en revanche de susciter un certain émoi.

Ce sont pourtant les termes choisis par l’envoyée spéciale pour le changement climatique de l’institution internationale pour présenter, lundi 11 mai, le rapport « Decarbonizing development » (« décarboniser le développement ») sur les incidences entre le réchauffement de la planète et les politiques de développement.

La Banque mondiale n’en est pas à son coup d’essai. En 2012 déjà, elle publiait le premier volet d’une série de trois rapports intitulés « Turn down the heat » (« réduisons la chaleur ») sur les conséquences d’une hausse excessive du thermomètre d’ici à la fin du siècle. Dans la livraison du 11 mai, les auteurs vont plus loin et reprennent à leur compte la principale conclusion du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : pour contenir la surchauffe planétaire sous le seuil des 2 °C, il faut, d’ici à 2100, atteindre le zéro carbone.



« Vœu pieux »

« Ce n’est pas un discours idéologique, c’est possible et l’on sait comment faire, assure Stéphane Hallegatte, l’un des économistes coauteurs du rapport. Le point d’arrivée est clair. On doit se tourner vers une électricité sans carbone, basée sur les énergies renouvelables et les techniques de capture et séquestration du carbone ; privilégier cette électricité dans les grands secteurs d’activité [transports, industries, construction] ; consommer moins d’énergie en général, grâce notamment à une plus grande efficacité énergétique ; veiller enfin à l’usage des terres, afin que les zones naturelles restent ou redeviennent des puits de carbone. »

« Ces préconisations vont dans le bon sens, réagit Alix Mazounie, chargée des politiques internationales au sein du Réseau Action Climat (RAC). Elles devraient permettre de réorienter certains investissements vers la transition énergétique. » Pas question pour autant de donner un blanc-seing à une institution souvent décriée par les ONG. « La Banque mondiale peut afficher toute la bonne volonté du monde, tant qu’on n’aura pas stoppé les subventions aux énergies fossiles, la décarbonisation de l’économie globale restera un vœu pieux », ajoute la responsable du RAC.

Si le rapport mentionne plus de 25 pays ayant « réformé » entre 2013 et 2014 leur politique de subventions aux énergies fossiles, il n’évoque pas les flux internationaux par lesquels les pays industrialisés soutiennent les projets charbonniers, pétroliers et gaziers des pays en voie de développement, dont la Banque mondiale est un vecteur. En 2014, elle a même accru le volume de ses financements à des projets d’extraction ou d’utilisation de combustibles fossiles, à hauteur de 3,3 milliards de dollars, (2,9 milliards d’euros) contre 2,5 milliards (2,2 milliards d’euros) les deux années précédentes, pointe le collectif Oil Change International.

« Trains de mesures précises »

« Decarbonizing development » préfère mettre l’accent sur les politiques de prix du carbone. Marché pour les uns, taxe pour les autres, double mécanisme de marché carbone pour les entreprises et de taxe sur les ménages comme en Suède sont autant de solutions à développer pour lever des ressources supplémentaires, estiment les économistes de la Banque mondiale.



« C’est une piste intéressante, mais la transformation profonde de l’économie ne peut se résumer à des mécanismes de prix du carbone », commente Thomas Spencer, directeur du programme Energie et climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). « Cela suppose aussi des trains de mesures précises sur l’innovation, l’efficacité énergétique, les infrastructures, insiste le chercheur. Le signal envoyé par la Banque mondiale doit être amplifié par d’autres institutions, le Fonds monétaire international par exemple, qui n’a pas encore intégré le changement climatique comme un enjeu structurant. »


12 Mai 2015

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