COP 21
La France va augmenter ses financements climat

Par Simon Roger  (New York, envoyé spécial)

« Accélérer. » Le message de François Hollande sur le climat, martelé jusqu’à la fin de son déplacement aux Nations unies, lundi 28 septembre au soir, avait le mérite de la simplicité. Encore fallait-il lui donner de la substance. A force d’exhorter les autres pays à intensifier leurs efforts dans la lutte contre le réchauffement, le risque était aussi d’exempter la France, pays hôte de la prochaine conférence mondiale sur le climat (COP21), de ce coup d’accélérateur. Le chef de l’Etat a donc pressé le pas, dimanche et lundi, et apporté des précisions sur la nature du texte qui pourrait être signé en décembre à Paris et les financements supplémentaires de la France en faveur du climat. Paris s’est ainsi engagé à augmenter son aide de 2 milliards d’euros.

A propos de l’accord que négocient, dans la douleur, les 195 Etats membres la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), « on peut dire, ça peut être plus tard, à une autre conférence, a suggéré François Hollande à la tribune de l’Assemblée générale onusienne. Mais si ce n’est pas à Paris, ce ne sera pas tard, ce sera trop tard pour le monde ». Dans le marathon présidentiel de quarante-huit heures à New York, largement dominé par l’actualité syrienne, le dossier du terrorisme et les crises humanitaires, l’enjeu était de confirmer la dynamique enclenchée par la diplomatie française en vue de la COP21.



Exemplarité relative

Dimanche 27 septembre, le déjeuner coorganisé par la France, le Pérou (qui cédera la présidence de la COP le 30 novembre) et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, n’a pas eu pour seul effet d’afficher une bonne volonté de façade de la communauté internationale. Il a permis d’avancer sur un point-clé pour inscrire dans la durée un accord limitant le réchauffement sous le seuil des 2 °C : la mise en place d’un mécanisme de révision, tous les cinq ans, des contributions nationales, c’est-à-dire des objectifs des Etats de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Quelques heures plus tard, profitant de son intervention en clôture du sommet des objectifs de développement durable, François Hollande a envoyé un autre signal, cette fois sur la question du financement, qualifiée de « question majeure ». « La France, qui veut toujours montrer l’exemple, a décidé d’augmenter son niveau d’aide publique au développement [APD] pour dégager 4 milliards d’euros de plus à partir de 2020 », a t-il assuré. Une exemplarité toute relative lorsque l’on sait que la France n’a consacré en 2014 que 0,36 % de son produit national brut à l’APD, deux fois moins que l’objectif de 0,70 % fixé par l’ONU et respecté par seulement cinq pays, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni.

« IL RESTE À TRADUIRE CETTE ANNONCE DE MANIÈRE TRÈS CONCRÈTE DANS UN PROJET DE LOI DE FINANCES 2016 », RÉAGIT ROMAIN BENICCHIO, D’OXFAM INTERNATIONAL

Restait à identifier dans cette manne financière la part consacrée à la lutte contre les impacts du changement climatique. Une inconnue en partie levée lundi à la tribune de l’ONU. « Les financements annuels de la France [sur le climat], de 3 milliards d’euros aujourd’hui, seront de 5 milliards en 2020, avec des prêts mais aussi des dons », a précisé François Hollande. Deux mécanismes devraient permettre d’agréger ces 2 milliards de plus aux projets liés au climat : un rapprochement entre l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts, programmée en 2016, et l’introduction en janvier 2017 d’une taxe sur les transactions financières (TTF) à l’échelle européenne.

Si l’échafaudage budgétaire menant aux 2 milliards manque pour le moment de solidité, la France estime avoir consolidé le socle financier sans lequel aucun accord ne sera possible à Paris. Dans les interminables couloirs des Nations unies à New York comme dans les multiples salles de réunion de la CCNUCC à Bonn, toutes les nations du Sud gardent en mémoire l’engagement pris par les pays du Nord à l’issue de la conférence de Copenhague en 2009 : mobiliser 100 milliards de dollars (88,7 milliards d’euros) par an, d’ici à 2020, pour aider les pays en développement à faire face aux effets du réchauffement.

Discours accueilli avec prudence

C’est le sens de l’annonce faite le 28 septembre par la France, de celle de l’Allemagne en mai (qui s’était engagée à doubler ses financements climat, pour un total de 4 milliards d’euros) ou encore de celle du Royaume-Uni (qui a promis d’augmenter sa contribution d’au moins 50 %, soit près de 6 millions de livres entre 2016 et 2021) la veille de l’allocution française.

Mis bout à bout, ces engagements et ceux des autres pays industrialisés sont loin, cependant, de totaliser 100 milliards de dollars. Selon plusieurs exercices d’évaluation des flux financiers publics du Nord vers le Sud, entre 14 et 34 milliards de dollars de financement publics ont été consacrés au climat en 2012. Le Fonds vert, créé en 2010 pour recevoir une partie de ces financements, n’est capitalisé aujourd’hui qu’à hauteur de 10 milliards de dollars (dont 1 milliard de la France) pour la période 2015-2018, soit 2,5 milliards par an en moyenne. Un état des lieux des 100 milliards est prévu lors de l’assemblée générale des institutions financières internationales, en octobre, à Lima.

Satisfaite malgré tout du signal envoyé par François Hollande à deux mois de la COP21, l’ONG Oxfam, très impliquée sur le volet financier, accueille le discours avec prudence. « Il reste à traduire cette annonce new-yorkaise de manière très concrète dès les prochains jours dans un projet de loi de finances 2016 et à s’assurer que la part des dons augmente véritablement », réagit Romain Benicchio, d’Oxfam International. Les pays les plus vulnérables présentent un niveau d’endettement souvent très élevé, leur fermant les portes des prêts. Seuls des dons peuvent leur permettre de financer les stratégies d’adaptation qu’impose le dérèglement climatique.

Dès les prochains jours, le 6 octobre, doit également se tenir une réunion des ministres des finances européens. La question de l’assiette de la TTF devrait y être abordée par les onze pays qui planchent sur le projet depuis 2013. La question suivante sera celle de l’affection de cette taxe, destinée à la fois à la lutte contre le changement climatique, les pandémies et les inégalités.


7 Octobre 2015

Abonnez-Vous au Monde

Retour au Climat

Retour au Sommaire
INFORMATIONS SANS FRONTIERES
France
Europe
UniversitÈs
Infos
Contact