Le réchauffement climatique aggrave la faim en Afrique
LE MONDE | Par Nathalie Funes - Publié le 12 septembre 2018 à 18h43

Un rapport sur la sécurité alimentaire publié par les Nations unies sonne l'alarme.

La faim a grimpé dans le monde en 2017, pour la troisième année consécutive, après avoir longtemps reculé. C'est le principal enseignement du rapport, publié cette semaine, par cinq agences des Nations unies (FAO, OMS, PAM, Unicef, FIDA), "l'Etat de la sécurité et de la malnutrition dans le monde 2018".

En cause, particulièrement, la variabilité du climat et ses phénomènes extrêmes, type inondations et sécheresses, de plus en plus fréquents, intenses et complexes… 821 millions de personnes ont ainsi été victimes de malnutrition l'an passé, un habitant de la planète sur neuf. Et l'Afrique est de loin le continent le plus touché. Surtout dans la partie subsaharienne où près d'un quart de la population est sous-alimenté.

Voici les cinq chiffres à retenir sur la malnutrition croissante dont souffre le continent africain :

        20,4%

C'est le pourcentage de la population du continent qui ne mange pas suffisamment à sa faim. Un chiffre près de deux fois supérieur à la moyenne mondiale. Ce pourcentage cache bien sûr de nombreuses disparités. Il tombe à 5% dans les pays de l'Afrique du Nord (le Soudan excepté, précise le rapport). Mais il grimpe à 31,4% en Afrique de l'Est et à 26,1% en Afrique centrale, les zones les plus touchées. Les chiffres sont encore plus alarmants en ce qui concerne l'insécurité alimentaire grave. Près d'un Africain sur trois en est victime (trois fois plus que la moyenne mondiale) et près d'un sur deux dans la partie centrale du continent.

        256 millions

C'est le nombre de personnes souffrant de malnutrition en Afrique. Elles n'étaient "que" 196 millions en 2010. En sept ans, les Africains sous-alimentés ont progressé de 60 millions, l'équivalent de la population d'un pays comme l'Afrique du Sud, la Tanzanie… ou la France. "Nous avions observé une tendance à la baisse sur le continent au début de la décennie. Mais le mouvement est reparti à la hausse depuis deux ans. La situation de l'Afrique est devenue très préoccupante, indique Abdou Dieng, directeur régional pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre au PAM (Programme alimentaire mondial). Chocs climatiques, conflits armés et ralentissement de la croissance se combinent pour expliquer la progression de la malnutrition, Trois zones ont ainsi été durement impactées ces dernières années : le Sahel frappé par la désertification et les attaques djihadistes (Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mali), les pays autour du bassin du lac Tchad (Nigéria, Niger, Cameroun, Tchad), la République centrafricaine, ravagée par les conflits, et ses voisins (Tchad, Cameroun, Congo). La situation est en particulier très inquiétante au Tchad qui se situe au cœur de ces trois zones."

        9 sur 10

C'est le nombre d'enfants de moins de cinq ans présentant un retard de croissance dans le monde qui vivent en Afrique. Sur la totalité du continent, ils sont 58,7 millions à avoir une taille inférieure à ce qu'elle devrait être et 13,8 millions à être considérés comme émaciés (un poids trop faible par rapport à leur taille), ce qui est un facteur aggravant de mortalité. "Dans les zones où la conjonction de chocs climatiques et d'un conflit provoque une crise alimentaire, précise le rapport des Nations unies, la prévalence de la malnutrition aiguë chez les enfants de moins de cinq ans est élevée, voire très élevée : il s'agit notamment du Darfour, au Soudan (28%), du Soudan du Sud (23%), de la région du lac Tchad (18%) […] et de la région de Diffa, au Niger (11%)".

        1 degré Celsius

Une telle hausse de température au Malawi, au sud-est du continent, fait reculer la ration calorique par habitant de près de 40%. Voilà comment les Nations unies évaluent l'effet climatique sur la consommation alimentaire en Afrique. Le rapport précise que le continent "est l'une des régions où l'influence du climat sur la production et les moyens d'existence est à la fois la plus marquée et la plus complexe. [...] Une forte dépendance vis-à-vis de l'agriculture pluviale (cultures et parcours) rend les populations rurales plus vulnérables. Par ailleurs, dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, les activités humaines aggravent les conditions qui aboutissent à la désertification et aux sécheresses".

Les Nations unies ont aussi constaté que plus du tiers des pays ayant connu une hausse de la malnutrition depuis 2005 avaient également subi une grave sécheresse de manière concomitante. La majorité se situe en Afrique.

        500 millions

C'est par pays, par an et pendant cinq ans, le montant en dollars de l'investissement nécessaire estimé par le PAM pour améliorer la sécurité alimentaire dans les cinq pays du Sahel.

"L'objectif d'élimination de la faim sera difficile à atteindre"

Selon Abou Dieng :

“"On peut prendre le problème à bras-le-corps, les solutions existent, il faut que la communauté mondiale et les états africains en prennent conscience. Souvenez-vous de la situation dramatique en Ethiopie il y a trente ans.

Le pays a pourtant réussi à sortir des cycles infernaux des mauvaises récoltes et des famines, en travaillant sur la dégradation des sols, sur les systèmes de conservation de l'eau pendant la saison des pluies et sur l'éducation de la population, notamment les jeunes. La production céréalière nationale augmente désormais depuis des décennies. Au Niger aussi, la situation est moins catastrophique. On est loin des terribles famines de la décennie précédente."

Le pays a investi 1,2 milliard de dollars sur trois ans dans le plan 3N ("Les Nigériens nourrissent les Nigériens"). Le PAM a mis également en place, depuis un an, un "Programme de résilience", fondé à la fois sur l'eau, les sols et les activités. Le rapport conclut :
“"Ces orientations stratégiques sont essentielles pour répondre à la nécessité d'accélérer les actions et de les porter à plus grande échelle afin de renforcer la résilience et la capacité d'adaptation à la variabilité et aux extrêmes climatiques. Faute de quoi, l'objectif d'élimination de la faim et de la malnutrition sous toutes ses formes à l'horizon 2030 [...] sera difficile à atteindre."”
Nathalie Funès


14  Septembre 2018

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