Banque mondiale
M. Zoellick : "Devenir un système financier dédié aux plus pauvres"
Propos recueillis par Alain Faujas




Président de la Banque mondiale depuis le 1er juillet 2007, Robert Zoellick a réorienté les politiques de cette institution au profit de l'agriculture et de la lutte contre le réchauffement climatique. Il entend mettre au service du développement de nouveaux outils comme les dérivés climatiques ou les fonds souverains.


L
e prix du riz a doublé en un an. Haïti et l'Egypte connaissent des émeutes de la faim. En quoi consiste le "New Deal alimentaire" que vous avez proposé, le 2 avril ?

Ce "New Deal" vise à traiter aussi bien les urgences alimentaires que le nécessaire développement à long terme de l'agriculture. Nous appuyons l'appel du Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU qui a besoin, au moins, de 500 millions de dollars (315 millions d'euros) dès cette année, pour faire face aux famines.

En cas de tension extrême, nous travaillerons avec les gouvernements en apportant une aide directe : nous participerons aux projets locaux d'amélioration des cultures comme aux programmes d'alimentation scolaire, car nourrir les enfants permet de développer la scolarisation. Dans les pays dont les structures sont solides, notre aide transitera par les gouvernements sous forme de transferts de liquidités sous conditions sociales.

La Banque n'a pas autant investi dans l'agriculture que dans d'autres domaines, alors qu'elle est trois fois plus efficace pour faire reculer la pauvreté. Elle va donc participer à une nouvelle "Révolution verte" comme celle qu'a connue l'Asie, ce qui nécessite de revoir la chaîne alimentaire depuis le foncier, les semences, les engrais, l'irrigation et jusqu'à la commercialisation.

Nous pouvons aider ces pays à réduire les risques alimentaires en utilisant des dérivés financiers ou des assurances météo comme celle développée par l'assureur français Axa contre la sécheresse ou les inondations. Nous allons porter le montant de nos prêts à l'agriculture africaine de 450 à 800 millions de dollars.

Votre appel aux fonds souverains pour qu'ils investissent en Afrique subsaharienne 1 % de leurs actifs, soit 30 milliards de dollars, n'est-il pas utopique ?

En Europe et aux Etats-Unis, on a peur de ces fonds. J'y vois au contraire une opportunité de nouveaux financements. Nous ne leur proposons pas d'aider l'Afrique, mais d'y investir. Notre institution spécialisée dans le secteur privé, la Société financière internationale (SFI), pourrait les associer à ses prises de participation ou leur offrir d'entrer dans des sicav investies en Afrique.

Ce n'est pas utopique à condition de leur donner les informations qui leur manquent sur ces pays. Sait-on qu'entre 1995 et 2005 dix-sept pays d'Afrique subsaharienne, pourtant pas très bien dotés en ressources minières, ont connu une croissance annuelle de 5,5 % ? Il y existe de vraies perspectives de croissance. Nous devons transformer la Banque mondiale, qui était un simple distributeur de prêts. Elle doit devenir un système financier dédié aux populations les plus pauvres.

Où en est la réforme de la Banque mondiale ?

J'y travaille. Certaines réformes dépendent de nos pays actionnaires, telle celle des droits de vote. Maintenant qu'elle semble décidée au Fonds monétaire international, nous allons suivre.

Pourquoi la Banque se veut-elle le champion de la lutte contre le réchauffement climatique ?

Nous ne voulons pas être le numéro un, mais être plus actif que par le passé, afin de démontrer que les pays développés et ceux qui ne le sont pas encore peuvent travailler ensemble au défi de l'adaptation, par des transferts de technologie, la création de fonds carbone ou de financements novateurs, en coopération avec le Fonds mondial pour l'environnement.

Il ne s'agit pas d'opposer lutte contre le réchauffement climatique et politique en faveur du développement ; les deux doivent être liées. La Banque peut y aider, mais en étant un acteur parmi d'autres. Le défi n'est pas à la taille d'une seule institution.

Dimanche 13 avril, je réunirai les ministres de l'économie des pays en développement, afin de les sensibiliser à l'urgence de l'adaptation au changement climatique. Je leur projetterai la carte mondiale des catastrophes naturelles. Celles-ci sont une incertitude pour les pays riches, mais un drame pour les pauvres : si le niveau de la mer montait de 1,5 mètre, le Bangladesh perdrait 18 % de sa superficie et 18 millions de personnes seraient chassées de leur terre !

Avril 2008


BANQUE MONDIALE

FONDATION.
Créée le 27 décembre 1945, la Banque mondiale rassemble aujourd'hui 185 Etats membres et compte 10 000 collaborateurs. Son siège est à Washington.

MISSION.
L'institution financière internationale met l'accent sur la réduction de la pauvreté. Son action est orientée vers les pays en voie de développement - notamment les pays les moins avancés - sur des axes comme l'agriculture, l'éducation et le soutien à la création de petites entreprises.

PRÉSIDENCE.
Selon une règle tacite, le président - élu par le conseil d'administration de la banque pour un mandat de cinq ans renouvelable - est désigné par les Etats-Unis, premier actionnaire de l'institution.


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