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 La 
              Renaissance d'Internet
 Par 
              Gilles Marchand
 
 La crise qu'à connu le World 
              Wide Web n'est qu'une péripétie fonctionnelle. La 
              galaxie Internet est non seulement viable à long terme mais 
              elle ne sera plus remise en cause si nous savons inventer la théorie 
              économique qui va avec...
 
  
              Tout le monde s'est dépêché 
              d'enterrer Internet. Le couplage des start-up avec les mécanismes 
              internes du monde financier ont très rapidement faussé 
              la donne, dérégulé toutes les structures solides 
              sur lesquelles il pouvait reposer. Les bulles financières 
              qui se sont constituées autour de chacune d'elles ont créé 
              une fragilité d'autant plus grande qu'elles se sont comportées 
              pour la plupart comme des entités virtuelles, et dépendaient 
              largement d'une circulation d'autant plus volatile qu'elle n'était 
              pas assurée. Malgré les tentatives marketing consistant 
              à fidéliser des audiences qui dans l'absolu devaient 
              devenir captives et dont les profils seraient mieux connus par des 
              sites qui malheureusement avaient adopté des stratégies 
              identiques au même moment.
 
 La médiatisation d'un grand nombre d’entre eux a souffert 
              de cette simultanéité qui réduisait d'autant 
              leur visibilité, leur faisait déverser leurs munitions 
              médiatiques au même moment et sur les mêmes supports. 
              Un certain désenchantement a touché nombre d'employés 
              dont les stock-options se sont révélées inexistantes 
              en fin de cycle. Le constat semble noir.
 
 Il est en fait beaucoup plus riche de potentiels que ce que certains 
              semblent aujourd'hui penser d'autant que l'on a assisté à 
              une concurrence objective entre "vieille" et "nouvelle" 
              économie qui créait des déprédations 
              inutiles. Les deux formes d'activité ont été 
              à ce point opposées qu'elles se sont trouvées 
              des raisons de douter l'une de l'autre, alors qu'elles sont fondamentalement 
              imbriquées et ce à tous les niveaux. Elles ne coexistent 
              pas sur des planètes différentes malgré la 
              tendance des start up a baser l'essentiel de leur production sur 
              des biens immatériels. L'excessive dérégulation 
              des processus de création économique a fragilisé 
              la structure sur laquelle elles reposaient de manière collective. 
              Une structure de mousse savonneuse où chaque entité 
              repose sur des appuis fonctionnant au niveau de leurs concurrents 
              ou partenaires, en bulles qui augmentaient la flexibilité 
              générale de l'édifice mais qui lui déniaient 
              une architecture solide, qui puissent être renforcé 
              par un certain nombre de règles d'or économique(s).
 
 Les start up vont émerger à nouveau mais avec des 
              structures bien plus solides en prenant notamment en compte les 
              strictes nécessités économiques et règles 
              de gestion. Calculs prévisionnels plus rigoureux, sécurisation 
              des hommes et de leurs conditions de travail, dégagement 
              de marges de fonctionnement et d'autofinancement directement issues 
              de leurs marchés et non plus uniquement de business angels 
              et d'institutions financières. Cette triangulation financière 
              renforcera leur solidité. Leurs décisions seront inspirées 
              de schémas réellement adaptés à leur 
              type de fonctionnement.
 
 Enfin, la grande nouveauté viendra de l'introduction de l'argent, 
              variable qui n'était jusque là qu'à la charge 
              quasi exclusive des start-up dans tous les domaines d'échanges. 
              L'argent des ventes directes au niveau du web va rendre Internet 
              directement profitable et constituer une immense source de financement. 
              La nouvelle économie autant qu'on puisse la dissocier de 
              l'économie tout court sera enfin opérationnelle et 
              constituera d'une manière quasi automatique des structures 
              de profits réels sous formes d'entités viables à 
              long terme tout en conservant leur souplesse.
  
 A ce titre ces entreprises auront la mission sociétale, 
              non seulement d'injecter une part plus grande de cet argent dans 
              la société par le financement de leur masse salariale, 
              mais également de jouer ce rôle social dont elle voudraient 
              trop souvent se défausser. Nous retournerions à la 
              case crise profonde si cette masse économique était 
              captée et vouée qu'à ne faire que sécréter 
              des financements en boucles comme c'est encore trop souvent le cas. 
              Cette articulation financière est responsable des effondrements 
              auxquels on assiste aujourd'hui. C'est pourquoi il est nécessaire 
              d'agir vite afin de reconstituer le tissu socio-économique 
              des sociétés qui sont menacées par la disparition 
              de leurs classes moyennes.
 
 Ne vouer l'activité économique qu'à un niveau 
              strictement financier nierait la valeur des infrastructures qui 
              seraient ainsi dévitalisées, mêmes lorsqu elles 
              sont viables, voire bénéficiaires. Ce à quoi 
              nous assistons fréquemment. La crise vient en grande partie 
              d'une dématérialisation de la richesse qui perd ses 
              attaches avec le concret et se distancie par conséquent des 
              acteurs économiques individuels et collectifs auxquels elle 
              nie toute implication dans le processus de production. Elle contribue 
              également à la destruction des structures étatiques 
              qui garantissaient une part du fonctionnement collectif des sociétés. 
              Le respect des acteurs économiques est une nécessité 
              à laquelle les entreprises doivent réfléchir 
              comme arpent de théorie économique vital à 
              la préservation sur le long terme des facteurs de production. 
              L'immatériel pour l'immatériel créé 
              une mise en boucle redoutable y compris pour ceux qui s'en estiment 
              bénéficiaires.
 
 C'est la raison pour laquelle, la création de la richesse 
              inouïe que va créer Internet doit préalablement 
              être encadrée par une théorie économique 
              qui fasse une part principale à l'homme en tant que variable 
              économique, afin de le réintégrer dans la pensée 
              économique. Une robotisation à outrance ne résoudra 
              pas le problème. Les sociétés humaines doivent 
              dégager des espaces viables pour leurs concitoyens et ce 
              au niveau international dans la mesure où l'interconnectivité 
              des systèmes ouverts rend cette dépendance incontournable. 
              Il s'agit de rendre humainement productive et de maîtriser 
              collectivement une mécanique qui autrement deviendrait une 
              machine infernale, myope et dévastatrice. Cette prise de 
              conscience est en train d'éclore en de nombreux lieux de 
              l'activité économique mondiale y compris dans ses 
              centres.
 
 Les biens qui seront échangés, qu'ils soient réels 
              ou virtuels, rendent nécessaire l'établissement de 
              règles de financement et d'échange propres qui permettent 
              une réinjection financière dans les sociétés 
              humaines.
 Pour toutes ces raisons et à partir du moment où seront 
              mises en place ces glissières de sécurité, 
              Internet va ouvrir un nouveau cycle de richesse économique 
              à un échelon nécessairement mondial dans la 
              mesure où tous nos systèmes d'échanges informationnels 
              sont à présents ramifiés. Le redépart 
              de l'activité économique éloignera de nous 
              trois grands maux : l'ennui, la paresse et le besoin disait Voltaire. 
              Aujourd'hui cette prise de conscience amènera également 
              la réduction d'une part des inégalités, donc 
              de l'insécurité et, par-là, du terrorisme.
 
 La carence fait perdre aux hommes leurs réflexes de civilisation. 
              La croissance les leur rend.
 
 Janvier 2000
 
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