Soleil va bientôt voir le jour
Par Sylvestre HUET

Visite au synchrotron, dans l'Essonne, qui devrait être opérationnel à l'automne.




Saint-Aubin (Essonne) envoyé spécialSoleil sort de terre. Sur le plateau de Saclay, au sud de Paris, un élégant bâtiment circulaire, bardé de bois, abrite une «machine»,comme disent les scientifiques. Une grosse machine. Soleil (1), c'est un anneau de 354 mètres de circonférence où tourneront, à la vitesse de la lumière, des paquets d'électrons accélérés à 2,75 milliards d'électronvolts. Dans l'étroit tunnel qui l'abrite, les techniciens mettent la dernière main aux aimants et onduleurs qui vont guider et courber leur trajectoire, et même les obliger à zigzaguer. A chaque «virage», ils émettent des bouffées de photons - infrarouges, ultraviolets, rayons X - utilisés pour étudier molécules, protéines, matériaux de physiciens, de géologues ou d'ingénieurs en micro-électronique sur des «lignes de lumières» installées autour de l'anneau.


Baptisées synchrotrons - le nom du rayonnement émis par les électrons -, ces machines sont de plus en plus prisées par les scientifiques. Il n'en existe que trois dans le monde où les électrons sont accélérés jusqu'à 6 milliards d'électronvolts afin de produire des X «durs» : aux Etats-Unis, au Japon, et à Grenoble pour l'Europe. Ce dernier, malgré ses 40 lignes de lumière, doit refuser trois propositions d'expériences sur quatre. «Et la demande ne cesse de croître,affirme Denis Raoux, directeur de Soleil, la société civile qui dirige la machine éponyme. On a sans cesse de nouveaux clients. Conservateurs de musées, archéologues, médecins et pharmaciens se sont ajoutés aux chimistes, physiciens, géologues, ingénieurs.»Parmi les sujets qui montent : l'analyse des poussières pour cartographier la pollution chimique, ou de morceaux de sol pour des études de contamination/décontamination, l'imagerie cellulaire en infrarouge...

Protéines à la loupe.Autour de l'anneau, dans un immense hall climatisé, les lignes de lumières se mettent en place. L'une des premières à entrer en service, Proxima-1, sera consacrée «à l'étude des protéines»,explique son responsable scientifique Roger Fourme .Devant la multitude des protéines - les synchrotrons ont déjà révélé la structure en trois dimensions de plusieurs milliers d'entre elles -, les biologistes veulent accélérer la cadence. Sur Proxima-1, la robotisation permettra de multiplier le nombre de cristaux de protéines soumis aux photons. Des cristaux de plus en plus petits (quelques microns de côté) - donc plus faciles à obtenir -, mais qui exigent le faisceau hyperfin de Soleil. Cible privilégiée : les protéines membranaires, qui jouent un rôle décisif dans le vivant et les traitements médicaux. Pour faciliter le lien avec les applications, la construction d'un institut de recherche pharmaceutique à proximité est envisagée.

«On a tenu les coûts - 313 millions d'euros - à 1 % près.»Denis Raoux dirige la petite société (350 personnes) dont la mission consiste à construire puis exploiter la machine en l'ouvrant à des centaines de chercheurs de France, d'Europe ou d'ailleurs. Une solution efficace : «Ici, les décisions se prennent vite»,assure Michel Bessière, le directeur technique, heureux d'échapper à la lourdeur des organismes de recherche . Il ne faut pas longtemps à Denis Raoux pour supprimer la passerelle, jolie mais coûteuse, qui devait éviter aux scientifiques d'enfiler leur imperméable entre les bureaux et le bâtiment du synchrotron.

Une économie due en grande partie au label «fait maison» de nombreux éléments de la machine. Les ingénieurs et techniciens de Soleil, venus en partie du laboratoire pour l'utilisation du rayonnement électromagnétique (Lure) d'Orsay, ont conçu les équipements commandés à l'industrie, réussi quelques paris techniques (2) hissant Soleil au top de sa catégorie, et se coltinent la partie la plus délicate du montage.
Croisant deux hommes portant sac à dos, Bessière présente les «aligneurs». Cinq géomètres qui indiquent où placer les équipements au micron près. En effet, les 416 paquets d'électrons qui se suivent à un mètre d'intervalle dans la machine ont la forme d'un ovale «plat» : 5 mm de long, 0,5 mm de large, mais 20 microns d'épaisseur. Du coup, tous les équipements qui guident, accélèrent et focalisent ces électrons, comme les lignes de lumière, doivent être positionnés avec une précision diabolique.

Et bénéficier d'une stabilité à toute épreuve. La dalle de béton qui supporte la machine est isolée du reste du bâtiment et repose sur 600 pieux de béton enfoncés de 15 mètres dans le sol. Même un camion passant à côté, ou la chute de plusieurs tonnes de métal, ne peut entraîner de vibrations intempestives.
En cadence.Cette efficacité doit se poursuivre en exploitation. «Ici on va travailler intensément,prévient Raoux. Lorsque les électrons tourneront, ce sera 24 heures sur 24, six jours sur sept pour les expériences, le dernier étant consacré à la machine pour des cycles de six semaines.»Ce rythme impose une machine réglée comme une montre suisse. «On vise 98 % du temps en disponibilité effective des photons»,insiste-t-il, persuadé qu'il y aura bien plus de demandes d'expériences que de temps disponible. Objectif : premières expériences en janvier 2007, onze lignes de lumière en fonctionnement fin 2007, 24 en 2009.

(1) Source optimisée de lumière d'énergie intermédiaire du Lure.
(2) Des transistors remplacent les traditionnels klystrons pour l'alimentation en énergie.

Juillet 2006

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