Brexit : Londres propose une zone de libre-échange avec l'UE

ALEXANDRE COUNISGABRIEL GRESILLON Le 07/07 à 10:14Mis à jour à 10:31

Le gouvernement britannique a arrêté une stratégie commune après une réunion à haut risque pour Theresa May. Reste à savoir quel accueil Bruxelles lui réservera.

Exit la libre circulation des personnes, pour mieux reprendre le contrôle de la politique d'immigration... mais pas la libre circulation des produits, pour pouvoir continuer de commercer avec l'Union. C'est en substance la position adoptée vendredi, pour l'après-Brexit, par le gouvernement britannique.

Londres propose à terme de « créer une zone de libre-échange entre le Royaume-Uni et l'UE, avec un ensemble de règles communes pour les biens industriels et les produits agricoles », a indiqué Theresa May dans un communiqué à l'issue d'une réunion marathon avec ses ministres. Avant de préciser que les services devaient à ses yeux faire l'objet d'« arrangements différents ».

La Première ministre britannique avait convié l'ensemble des ministres de son gouvernement dans sa maison de campagne de Chequers, à 70 kilomètres au Nord-Ouest de Londres pour une  journée de travail qui s'annonçait à haut risque . L'objectif était en effet d'arrêter une vision commune des relations commerciales, et notamment douanières, que le Royaume-Uni entend entretenir avec l'UE après l'entrée en vigueur du Brexit. Ce qui s'annonçait comme un véritable défi, tant le cabinet est divisé sur la question.

Voitures de fonction

Finalement, aucune démission n'est à déplorer, alors que l'entrevue de sept ministres Brexiters, la veille au soir, pour arrêter une stratégie commune avait pu faire craindre un clash. Le bruit a même couru, dans la matinée de vendredi, que ceux qui décidaient de claquer la porte seraient aussitôt privés de leur voiture de fonction, et devraient rentrer à Londres par leurs propres moyens...
La Première ministre a-t-elle su trouver les mots pour convaincre les plus ardents défenseurs d'un Brexit dur de rentrer pour l'instant dans le rang, et d'accepter cette solution ayant le mérite de maintenir la fluidité des échanges à la frontière irlandaise ? Ou les avertissements lancés ces derniers jours par les dirigeants d'Airbus, de BMW ou de Jaguar Land Rover sur les risques d'un tel scénario ont-ils changé le rapport de force ? Personne n'a en tout cas osé prendre le risque de quitter le gouvernement, voire de déstabiliser la Première ministre à un moment aussi crucial des négociations avec Bruxelles.

Liberté de conclure de nouveaux accords

« Nous avons convenu d'un nouveau modèle douanier favorable aux entreprises, avec la liberté de conclure de nouveaux accords commerciaux dans le monde entier », a précisé la Première ministre conservatrice dans le document publié à l'issue de la réunion. Une manière de dire que chacun avait été entendu : les entreprises, attentives à limiter les coûts supplémentaires aux frontières, et les Brexiters, qui veulent éviter que cela n'entrave la souveraineté d'un Royaume-Uni désormais libre de décider de son avenir sur le plan commercial.

Plus précisément, le document préconise de mettre en place un « arrangement douanier simplifié » où le Royaume-Uni collecterait les droits de douane des produits arrivant sur son sol à un taux distinct selon qu'ils sont destinés à son marché domestique, ou qu'ils sont en transit vers un autre pays de l'UE - il les reverserait ensuite au pays concerné. L'objectif de Londres étant d'avoir des droits de douane moins élevés pour dynamiser ses échanges.

Reste à savoir quel accueil Bruxelles réservera à la proposition britannique. Sur Twitter, le négociateur européen pour le Brexit, Michel Barnier, a salué l'accord sans pour autant s'avancer : « Nous allons étudier les propositions pour voir si elles sont réalistes », a-t-il écrit. Plus tôt à Bruxelles, il avait répété qu'il restait beaucoup de chemin à parcourir avant un accord entre le Royaume-Uni et l'UE.

Indivisibilité du marché unique

« Si on commence à accepter un marché unique à la carte, on met le doigt dans un engrenage redoutable », analyse une source européenne. Pourquoi ne pas imaginer que demain, d'autres pays de l'UE ne finissent par demander à s'en désengager partiellement, pour ne garder que ce qui constitue pour eux un bénéfice net ? Michel Barnier va donc probablement opter pour l'intransigeance.

Il n'empêche que la stratégie de Londres n'est pas totalement illégitime. Les exemples de l'Espace économique européen ou de la Suisse démontrent que l'Union européenne, par le passé, a su accepter des associations ad hoc en faisant preuve d'un peu de flexibilité par rapport au mantra de l'indivisibilité du marché unique.

Alexandre Counis et Gabriel Grésillon
Correspondants à Londres et à Bruxelles.


7 Juillet 2018

Abonnez-Vous aux Echos

Retour à l'Europe

Retour au Sommaire
 INFORMATIQUE SANS FRONTIERES
Paris
France
Europe
UniversitÈs
Infos
Contact