L'Irlande divisée avant le référendum sur le traité de Lisbonne

Par François Béguin



Alors que les derniers sondages faisaient état d'une importante remontée du "non", le référendum sur la ratification du traité de Lisbonne qui aura lieu jeudi 12 juin en Irlande prend des airs de déjà-vu. Mais là où en France, en 2005, une partie des partisans du "non" au référendum sur la Constitution européenne, ancêtre du traité de Lisbonne, réclamaient une Europe plus sociale, en 2008, les Irlandais hostiles au traité souhaitent notamment protéger leur faible taux d'imposition. "L'article 113 qui prévoit une nouvelle obligation pour le Conseil européen d'agir pour éviter des 'distorsions de concurrence' dans les impôts indirects (...) représente un danger dans notre compétitivité fiscale", peut-on lire sur Libertas, le site des partisans du "non". Ces derniers dénoncent pêle-mêle la mise en place d'un président non élu, la perte d'un commissaire européen, ou la plus faible représentation de l'Irlande au sein de l'UE.


Souvenirs encore lorsque les deux camps s'accusent mutuellement de mentir aux électeurs. L'Irish Times rapporte les propos d'Enda Kenny, le leader du Fine Gael, le parti de centre gauche : "C'est regrettable que des arguments mensongers sur la taxation, l'avortement, la neutralité et même l'euthanasie aient pu être mis en avant devant les Irlandais."
 

AP/Niall Carson
Une affiche prône le "non" au référendum sur le traité de Lisbonne, à Dublin, le 10 juin 2008.

Pour les opposants de Libertas, si le gouvernement n'a pas envoyé à chaque électeur un exemplaire du traité de Lisbonne, "c'est parce qu'il redoutait que vous ne signiez pas le contrat après l'avoir lu".

PLAN B

Dans son éditorial, The Irish Examiner fustige ceux qui réclament un vote négatif en pensant obtenir quelques avantages supplémentaires lors d'une renégociation du traité. "Les partisans du 'non' ont demandé que l'on se tourne vers un plan B (...), ils espèrent que les citoyens européens vont réagir favorablement et vont recommencer le processus compliqué, juste parce que nous, 1 % de la population de l'UE, voulons des modifications. Cette possibilité aurait été envisageable (...) si le traité de Lisbonne ne représentait pas déjà le plan B", écrit le journal.

Pour de nombreux quotidiens engagés en faveur du "oui", les opposants au traité de Lisbonne font preuve d'"ingratitude" et d'égoïsme. "L'Union européenne a-t-elle déjà fait quelque chose pour nous ?" s'interroge Fintan O'Toole, éditorialiste de l'Irish Times dans le Times. "Une grande partie des infrastructures modernes de l'Irlande ont été en partie financées par les contribuables européens", répond-il aussitôt. "Pendant longtemps, l'Irlande a été l'animal de compagnie de l'Union européenne. En étant pauvre, petit et charmant, nous avons été couverts d'argent et d'encouragements. (...) Mais lorsque le contribuable irlandais doit financer des nouvelles routes en Estonie, la solidarité européenne n'a plus le même aspect que lorsque les Allemands payaient des routes à Co Mayo", une province de l'ouest du pays.

DISCRÉDIT

Outre la récente remontée des chiffres du chômage (Independent), les quotidiens pointent la responsabilité de la classe politique qui, par son discrédit, pourrait faire triompher le camp du "non". Après la démission de l'ancien premier ministre Bertie Ahern, mis en cause dans un scandale financier, Fintan O'Toole estime dans le Times  que "ce n'est pas une bonne période pour demander aux électeurs de faire une confiance aveugle dans leurs dirigeants". Dans son éditorial, The Irish Examiner rappelle que le cabinet de Bertie Ahern assurait au pays, avant sa démission, sa "chance d'être dirigé par un aussi grand chef d'Etat" : "Cette pitoyable désillusion a entamé la crédibilité et la capacité à convaincre un électorat sceptique à voter 'oui'". En France, le 29 mai 2005, de nombreux commentateurs politiques avaient estimé que les électeurs, en votant majoritairement pour le "non", n'avaient pas seulement souhaité répondre à la question qui leur était posée mais avaient également envoyé un message à leurs dirigeants.


Juin 2008

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