Pourquoi la Grèce n'a aucun intérêt à sortir de l'Europe
Par le Huffington Post


Les vrais problèmes ont une chose en commun: ce n'est pas parce qu'on les glisse sous le tapis qu'ils sont résolus. La Grèce ne fait pas exception. On s'étonne aujourd'hui de voir ressurgir la crise grecque alors qu'on la pensait terminée depuis l'adoption du plan d'aide et de sa contrepartie, le nouveau plan d'austérité.

L'Europe ne voulait pas alors voir les manifestations comme un soulèvement populaire mais comme un simple épiphénomène qui disparaîtrait une fois le plan voté. De nombreux spécialistes avaient pourtant alerté sur la situation sociale en Grèce, au bord de l'explosion. Et, surtout, c'était faire abstraction des élections législatives, qui ont permis au peuple de montrer son mécontentement dans les urnes.

Résultat? Une situation politique inextricable où les alliés de jadis ne veulent plus de l'austérité et où, pour dégager une majorité sur la question de l'Europe, il faudrait que la gauche s'allie avec la droite... ou, au contraire, l'extrême gauche avec un parti neo-nazi... Ubuesque.

Mercredi soir, la zone euro a d'ailleurs décidé de bloquer un milliard d'euros sur les 5,2 milliards qu'elle devait verser à la Grèce et de reporter sa décision à la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro lundi à Bruxelles, selon une source gouvernementale.



Le détail du vote aux législatives :


Alors, une fois encore, la question se pose: la Grèce pourrait-elle quitter la zone euro, voire l'Union européenne? Sauf que la proposition est inversée: il n'est plus question de savoir si l'Europe va lâcher la Grèce mais si la Grèce va décider de partir. La question fait désormais le tour des radios et des télés avec un air de déjà-vu.

Au fond, peu importe qui demande le divorce, seul le résultat compte. « Bon débarras » pourraient se dire les dirigeants des pays riches, lassés de traiter le problème grec alors qu'ils doivent eux-mêmes sortir de la crise et retrouver le chemin de la croissance. Mais, à y regarder de près, une sortie de la Grèce n'arrangerait personne. Voilà pourquoi cela ne se fera pas.



Les 10 raisons pour lesquelles la Grèce ne sortira pas de l'Europe:

    .    Parce que l'Europe ne peut pas mettre la Grèce dehors. Même si l'Europe était tentée de faire sortir la Grèce, aucun mécanisme d'expulsion n'est pour l'instant prévu dans les institutions. Il est donc matériellement impossible de se séparer de l'un de ses membres à moins qu'il ne le souhaite.

    .    Parce que cela ne résoudrait pas le problème de la dette grecque. Une sortie de l'Europe ne signifierait pas la fin des soucis pour les Grecs: ils devraient toujours rembourser leur dette contractée auprès des banques et des pays membres de la zone euro. Pire, il deviendrait quasi-impossible pour eux d'emprunter à des taux raisonnables sur les marchés. C'est parce qu'ils sont encore soutenus par l'Europe, et notamment l'Allemagne et la France, que la Grèce parvient encore à trouver des financements.

    .    Parce que la Grèce ne gagnerait rien à la dévaluation. Le principal intérêt d'une sortie de l'euro réside dans le fait de pouvoir dévaluer sa monnaie. Ce qui rend le pays compétitif en termes d'exportation, mais le pénalise lorsqu'il importe. Malheureusement, la Grèce exporte très peu et importe beaucoup. Un retour au drachme et une dévaluation ne changerait donc pas la donne d'un point de vue économique. Au contraire.

    .    Parce que la Grèce ne profiterait plus des aides européennes. Depuis son entrée dans la CEE en 1981, la Grèce a toujours fait partie des pays qui bénéficiaient le plus des différentes aides européennes (fonds de soutien, aides agricoles, subventions, etc.). Une sortie de l'Europe signifierait la fin de cette manne financière dans un pays qui en a plus que jamais besoin.

    .    Parce que la Grèce ne profiterait pas de la future politique de croissance européenne. Le premier voyage de François Hollande sera en Allemagne, pour rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel. Ils y discuteront d'un pacte de croissance. Même si les termes ne sont pas encore définis, Angela Merkel vient d'admettre que le pacte d'austérité budgétaire était une condition nécessaire mais non suffisante au retour de la croissance. S'agira-t-il d'une renégociation du traité ou d'un nouveau pacte? Peu importe la forme, une politique de croissance va certainement naître en Europe. Et la Grèce, plus encore que les autres pays, en a besoin pour casser la spirale infernale dans laquelle est plongée: plus elle applique l'austérité pour assainir les finances, plus elle entre en récession, et plus elle plonge en récession, plus les recettes baissent, et plus le déficit augmente.

    .    Parce qu'une union politique anti-europe est improbable. Comment des partis proches d'un Mélenchon en France pourraient s'entendre avec un parti néo-nazi? Il faudrait pourtant que tous ces partis fassent front commun pour obtenir une majorité au Parlement permettant de sortir de l'euro. En outre, les partis de l'extrême gauche, s'ils sont hostiles au plan d'austérité, ne sont pas anti-européens pour autant. On ignore encore comment va tourner la situation politique mais tant que les partis historiques seront pro-européens, il y a peu de risques de voir le gouvernement accepter une sortie de l'euro.

    .    Parce qu'il y a une échéance financière très proche. Le "mur de la dette" a été repoussé de plusieurs dizaines d'années grâce à l'accord signé en début d'année. Grosso modo, cela fonctionne comme un rachat de crédits quand un particulier ne peut plus rembourser ses dettes: la banque (ici, la zone euro) rachète les crédits revolving, auto, conso, et immo puis refait un prêt à taux moins élevé et échelonné sur une durée plus longue. Sauf qu'en attendant, il y a des « murets » à franchir. Et l'un d'eux arrive en juin. Parfaitement gérable dans le cadre de l'accord signé entre la zone euro et la Grèce. Beaucoup moins si la Grèce se retrouve isolée du jour au lendemain.



    .    Parce que l'aide à la Grèce n'est pas un chèque en blanc. Non seulement la zone euro a, sous la férule d'Angela Merkel, exigé un traité européen sur la rigueur budgétaire avant de signer l'accord avec la Grèce, mais elle a également demandé des engagements écrits à la Grèce. Certes, le futur gouvernement grec peut tout à fait estimer qu'il est devenu caduc. Mais il faut savoir que le plan d'aide à la Grèce, qui porte sur des dizaines de milliards d'euros, s'étale sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Idem pour l'aide du FMI. Pour rappel, une partie de l'argent du premier plan voté en 2010 d'aide n'avait pas encore été versé en début d'année 2012. Si les grecs reviennent sur leurs engagements, et a fortiori s'ils sortent de l'euro, le plan d'aide sera immédiatement bloqué. Impossible, donc, de « partir avec la caisse ».

    .    Parce que les marchés testent l'Europe. Cette crise grecque constitue un véritable test de l'Europe pour les investisseurs. Est-elle capable de résoudre les problèmes d'un de leurs membres? Si l'aventure se termine bien, les marchés seront rassurés et les tensions pourraient même s'apaiser dans les autres pays de la zone euro. Si elle se termine par un divorce entre la Grèce et l'Europe, comment ne pas se demander qui sera le prochain sur la liste? Quant à la Grèce, elle pourra plus se financer sur les marchés, ou alors à des taux prohibitifs (voir ci-dessus).

    .    Parce que la zone euro n'a rien à gagner à une sortie de la Grèce. Certes, les pays membres n'auraient plus à se soucier d'éventuels nouveaux plans d'aide. Mais ils resteraient créditeurs de la Grèce et auraient toutes les peines du monde à retrouver leur argent. Sans compter qu'ils restent caution de plusieurs dizaines de milliards empruntés par la Grèce. Comme pour une location immobilière, mieux vaut se porter caution pour quelqu'un dont on est proche et dont on peut contrôler les dépenses...

En définitive, il y a donc peu de risques (ou de chances selon la façon de voir les choses) que la Grèce demande le divorce. Aucun gouvernement raisonnable, fût-il de coalition, n'y songera sérieusement. Reste un risque, bien réel: un référendum auprès de la population sur la sortie de la zone euro.

Durant l'été 2011, Georges Papandréou l'avait évoqué quelques jours, avant de se raviser sous la pression européenne. La population, qui agit de manière affective, en réaction à des déceptions, pourrait voter contre l'Europe. En France, la victoire du "non" sur la constitution européenne, qui ne devait pas poser de problème au départ, montre bien à quel point les référendums cristallisent les angoisses. Et il n'est pas certain que les partis les plus raisonnables puissent éduquer les électeurs à temps pour qu'ils mesurent réellement les risques d'une sortie de l'euro avant de voter.

Mais, après tout, le peuple a aussi le droit de se prononcer sur une question aussi essentielle. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait à travers les législatives de dimanche dernier. Et plus encore lorsque l'on parle de la Grèce, berceau de la démocratie.

Mai 2012

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