Une renaissance européenne est possible
Par Edouard Tétreau




En renonçant à ce que l’Europe a de meilleur, son humanisme et son profond altruisme, les Européens ont tourné le dos à ce qui les caractérisait. Pour ne pas disparaître aux yeux du monde, un sursaut est indispensable, estime un économiste français.

Une Europe plus petite dans un monde global ? Il s'agit d'une évidence historique. Oui, l'Europe, et avec elle l'Occident, est devenue plus petite dans un monde plus global. Et pourtant ... elle est immense ! Si l'on admet que les chiffres suivants ne sont pas des statistiques de propagande, l'Europe, en 2013, c'est : 500 millions d'habitants; 4,5 millions de kilomètres carrés; un PIB de 18 000 milliards de dollars, supérieur à celui des États -Unis, trois fois supérieur à celui de la Chine. Une épargne financière disponible pour la zone euro de 12 000 milliards d'euros !



Serait-on en face d'une Europe-Gulliver enchaînée par de médiocres Lilliputiens qui seraient : les Etats eux-mêmes, leurs égoïsmes et la compétition des intérêts nationaux empêchant l'émergence d'une Europe unie et grande ? La somme des intérêts particuliers, industriels et financiers, qui manoeuvreraient l'Europe à leur guise, l'emberlificotant dans les rets et les fils de lobbies bien organisés ?

La liste est longue des Lilliputiens de ce Gulliver enchaîné que serait l'Europe. On pourrait aussi l'allonger des “boucs émissaires” que l'Europe a toujours su convoquer dans son histoire, pour s'absoudre de ses propres échecs et impuissances. Et si le rabougrissement, l'impuissance et l'échec de l'Europe n'étaient pas l'oeuvre d'un grand complot contre l'Europe ?



Europe-Gulliver

“Nous sommes responsables de tous et de tout, et moi avant tous les autres”, disait Ivan Karamazov. L’enfer européen, les Lilliputiens de l'Europe-Gulliver, ce seraient donc les autres ! Formidable moyen pour exonérer les citoyens, les opinions et les peuples européens de toute responsabilité dans le rabougrissement de l'Europe.

Je soutiens une idée radicalement inverse : si l'Europe, malgré – ou à cause de – son immense richesse financière, son abondance de biens matériels comme immatériels est en train de disparaître de la scène mondiale, c'est à cause des Européens eux-mêmes, et particulièrement des générations aujourd'hui au pouvoir, ces enfants gâtés de l'après-guerre, qui n'ont connu que la paix, la prospérité et la très égoïste poursuite de leur bonheur individuel.

Ne consacrant même pas le minimum vital pour assurer leur intégrité et leur souveraineté dans les domaines stratégiques, ils préfèrent financer leur confort petit-bourgeois et jettent aux orties ce qui définit l'esprit européen et ce que l'Europe a de meilleur : son humanisme authentique, son profond altruisme.



Si l'Europe va mal, si elle est si rabougrie aujourd'hui dans un monde en apparente pleine expansion, c'est bien parce que les Européens ne sont plus européens, justement.

“Rome n'est plus dans Rome”, de la même façon que l'idée de l'Europe a quitté les Européens.

Corne d’abondance

Nous pourrions nous arrêter à ce constat-là : celui d'une Europe sans projet, sans identité, se résumant à ce que les autres attendent d'elle : un marché, un espace à peupler, une corne d'abondance et de bien-être à visiter ou à piller.

Ce scénario est une possibilité à regarder en face, comme on regarde la possibilité de sa propre disparition. Peut-être est-cela la vocation de l'Europe : laisser la place au Nouveau Monde, en espérant que ce dernier prendra le soin de prendre le meilleur de l'héritage européen.



L’Histoire a appris que l’Europe dans ses moments de régression représentait un danger de mort pour elle-même et pour les autres

Je ne partage pas cette idée. D'abord, parce que l’Histoire a appris que l’Europe dans ses moments de régression représentait un danger de mort pour elle-même et pour les autres.

Ensuite, pour ceux qui croient que “la croissance économique pardonne tous les péchés”, on voit mal comment par exemple, la Chine se porterait bien si l'Union européenne disparaissait ou rentrait en récession. Enfin, comment imaginer que cette gigantesque destruction de capital humain que représente l’inactivité pour un jeune sur trois en Europe se fera sans heurts et sans violences ?



Révolution européenne

Autrement formulé : la renaissance européenne n’est pas une option agréable, mais une nécessité pour les Européens eux-mêmes et pour le reste du monde. La renaissance européenne est donc non seulement une nécessité, mais elle est possible. Il s’agit de l’oeuvre d’au moins une génération, mais, de la même façon que les vieilles nations ne meurent jamais, il ne serait pas raisonnable d’anticiper la disparition de l’Europe. “Le miracle, c’est d’être vivant dans un monde de morts”.

Comment identifier et emprunter les voies possibles pour une telle renaissance ? Faut-il une initiative franco-allemande majeure ? Une nouvelle “CECA”, soit un grand projet, par exemple écologique, à partager et porter entre les différentes générations et pays européens ?



Ou faut-il en passer par des voies plus radicales, une “révolution européenne” à l’instar de la révolution américaine, passant par l’affirmation d’un “We, The People” ?.


23 Octobre 2013

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