Une résolution pour protéger le modèle sportif européen

Par Stéphane Mandard

Après le Parlement et la Commission, c'est au tour du Conseil de l'Europe de se pencher au chevet du sport et du football en particulier. Son assemblée parlementaire - qui réunit les représentants de 47 Etats - devait adopter, jeudi 24 janvier, à Strasbourg, une résolution sur "la nécessité de préserver le modèle sportif européen".

La ratification du traité européen de Lisbonne, dont un article est consacré au sport, va conférer à l'Union européenne la compétence juridique qui lui manquait en matière de sport. Entre les partisans du "laisser faire" et les défenseurs de la "régulation", chacun fourbit ses armes.
"Nous voulons préserver le modèle européen pour éviter une déréglementation sauvage", déclare au Monde José-Luis Arnaut, le rapporteur de la résolution du Conseil de l'Europe. "Le développement sans précédent de la dimension économique de certains sports professionnels, notamment en raison des droits de retransmission télévisée, met en péril un modèle fondé sur les principes jumeaux de solidarité financière et d'ouverture des compétitions", poursuit l'ancien ministre des sports portugais, qui avait déjà tracé quelques pistes pour assainir le monde du football dans un rapport remis en 2006 (Le Monde du 25 mai 2006).

Matches truqués, paris illégaux, transferts frauduleux, agents "véreux", violence, dopage... le "modèle sportif européen" est depuis plusieurs années sérieusement écorné. Le projet de résolution met en cause "l'injection d'argent dans le sport et le cadre réglementaire caractérisé par le "laisser faire", conséquence souvent de la législation communautaire".

"Orientation Stratégique"

C'est l'application du principe communautaire de libre circulation des travailleurs qui a ouvert la voie, en 1995, avec l'"arrêt Bosman", à la dérégulation du marché des transferts des joueurs de football et à son corollaire : inflation salariale et multiplication des intermédiaires. Dans ce registre, le projet de résolution propose de "trouver une forme plus rigoureuse de contrôle pour surveiller les activités des agents".
Le Conseil de l'Europe entend peser sur la Commission européenne, lieu, selon M. Arnaut, d'"un intense lobbying de la part de la FIFA (Fédération internationale de football) et des grands clubs". En juillet 2007, la Commission a adopté un Livre blanc sur le sport censé donner "une orientation stratégique sur le rôle du sport en Europe". Le document reconnaît que "le sport n'est pas un business comme les autres" et envisage même "au cas par cas" des entorses aux sacro-saints droits de la concurrence pour protéger la "spécificité du sport" européen, incarnée notamment par la prééminence des fédérations et des équipes nationales sur les clubs.

En mars 2007, le Parlement européen a également adopté un rapport sur "l'avenir du football européen", qui demande la mise en place de règles juridiques claires - comme une certification européenne des agents - afin de préserver le sport de l'influence grandissante de "considérations purement commerciales". Certains eurodéputés, comme les Français Jean-Luc Benhamias et Guy Bono, ont toutefois regretté que le Parlement n'ait pas retenu la proposition de création d'un organisme indépendant de transparence financière, chargé de surveiller l'ensemble des clubs professionnels européens.

La résolution du Conseil de l'Europe ne va pas non plus aussi loin. Elle reste sur des principes généraux. Ainsi, concernant les agents, elle recommande seulement de "trouver une forme plus rigoureuse de contrôle pour surveiller leurs activités". Au sujet des paris, pour réduire le risque d'activités illicites, le Conseil de l'Europe propose de "mieux protéger les droits intellectuels concernant les calendriers des manifestations sportives".



"L'approche tout fric"

Au final, si le Conseil de l'Europe reconnaît et affirme la nécessaire autonomie des instances dirigeantes du sport, il insiste aussi sur les efforts que doivent encore entreprendre ces dernières pour adopter des modes de gouvernance plus démocratiques et transparents.
"Pendant des années, la principale autorité sportive européenne a été la direction générale de la concurrence de la Commission européenne ! Le droit de la concurrence remplaçait les lois du football", a déclaré, jeudi, devant les parlementaires du Conseil de l'Europe, le président de l'Union européenne de football (UEFA), Michel Platini. Le patron français de l'UEFA a salué l'initiative du Conseil et encouragé les parlementaires à ouvrir "la voie à une réglementation européenne qui nous libèrent des affres de l'approche "tout fric" qui nous fait tant de mal actuellement".

La FIFA et l'UEFA vont indemniser les clubs

La Fédération internationale de football (FIFA) et l'Union européenne de football (UEFA) ont annoncé, lundi 21 janvier, qu'elles allaient verser environ 252 millions de dollars (174,5 millions d'euros) entre 2008 et 2014 pour indemniser les clubs dont les joueurs participeront à la Coupe du monde et à l'Euro.

L'accord prévoit que la FIFA verse 110 millions de dollars, contre 142 millions à l'UEFA. La FIFA paiera 40 millions aux clubs dont les joueurs participeront à la Coupe du monde 2010. L'UEFA s'acquittera pour sa part de 63 millions pour l'Euro 2008.

Ces indemnisations étaient réclamées avec véhémence par les clubs les plus riches d'Europe au sein du G14. Ce geste des instances dirigeantes du football mondial est la conséquence de la dissolution du groupement au sein d'une structure plus large, l'Association européenne des clubs, reconnue par la FIFA et l'UEFA. Ces dernières années, le G14 avait multiplié les plaintes devant les tribunaux pour obtenir de l'UEFA des indemnités considérables après les blessures de certains joueurs avec leurs sélections nationales. L'association née des cendres du G14 a enterré la hache de guerre et promis de mettre un terme aux procédures judiciaires.

Janvier 2008

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