Trois pistes pour sauver l'Europe
Par Anne Macey, déléguée générale de Confrontations Europe, THINK TANK EUROPEEN

Risque d’un Brexit, divisions des Etats membres sur la question des réfugiés, remise en question de l’espace Schengen, dérives autoritaristes au nom de la lutte contre le terrorisme : l’Europe va mal. Et son unité semble vacillante. Les crises ne peuvent être niées, mais les raisons d’espérer et les solutions pour en sortir existent.

La division au sein de l’Union face à l’afflux de millions de réfugiés en Europe, la puissance de l’organisation terroriste Daech font peser sur l’Union un risque de dislocation encore renforcé par un possible Brexit . Dans le contexte actuel, la priorité numéro un est claire : maîtriser et répartir le flux de réfugiés, ce qui suppose de communautariser et mutualiser les responsabilités au sein de Schengen.

La Commission européenne propose la mise en place d’un « corps européen de garde-frontières et de garde-côtes » pour doter Schengen de moyens propres et contrôler enfin les frontières, accueillir et enregistrer les migrants, procéder à des vérifications plus systématiques de sécurité.

Faire peser sur toute l’Europe l’accueil des réfugiés



Que les États le veuillent ou non, arc-boutés qu’ils sont sur leur souveraineté, nous ne nous en sortirons pas sans une gestion communautarisée des frontières et un régime commun du droit d’asile. En effet, le traitement des demandes d’asile ne peut pas reposer sur les deux pays d’entrée au Sud : la Grèce et l’Italie. L’accueil des réfugiés – qui votent avec leurs pieds – ne peut pas non plus peser sur les seuls pays au Nord : l’Allemagne, la Suède, le Danemark, l’Autriche...

Enfin, la France, qui ne permet pas aux demandeurs d’asile de travailler, ni de fait aux réfugiés, est réduite au statut de pays de transit. Calais, transitoire ou permanent , le montre : elle ne fait pas rêver. Or, les États trop occupés à se décrier mutuellement, tardent à mettre en œuvre les mesures urgentes et parfois à aborder les vrais sujets.

Une coopération militaire et policière plus étroite



Priorité numéro deux ensuite : faire face au terrorisme, donner à l’Europe les moyens qu’il lui faut pour être efficace. Schengen a été conçu comme un « espace de liberté et de sécurité » mais l’ampleur de l’internationalisation du terrorisme et sa violence en Europe n’avait pas été anticipée, au moins sur deux champs. Sur le renseignement d’abord, les tuyaux pour l’échange d’informations entre États existent avec le SIS II, mais les États rechignent encore trop à mettre en commun leurs informations.

Il faut donc aller plus loin, peut-être pas sous la forme d’un FBI européen, mais selon des modalités propres avec une police européenne et, partant, un ministère européen de la sécurité intérieure. Il prendrait place au sein d’un mini-gouvernement doté d’un budget recomposé selon les fonctions assumées par l’Union. Sur la défense ensuite, il nous faut construire, restructurer, mettre en place des instruments sur des bases non centralisées en termes industriels, spatiaux. Bref, donner plus de leviers à des coopérations structurées dans le respect de principes communs.

Trouver un compromis avec le Royaume-Uni



Priorité numéro trois : l’impact d’une sortie éventuelle du Royaume-Uni. Il est triple : sur l’Union européenne, sur le Royaume-Uni lui-même, et même sur la zone euro. L’objectif est de faire aboutir les négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne lors du Conseil européen qui vient de se tenir les 18 et 19 février.

Cela ne garantira pas pour autant les résultats du référendum. Les Britanniques, qui partagent avec nous l’inquiétude de déclassement, de place de leur nation dans le monde, doivent savoir que nous avons besoin du Royaume-Uni dans l’Union.



Un soupçon d’espoir ?

Ces trois éléments, immigration, terrorisme, Brexit, combinés ou non, font peser sur l’Europe comme une épée de Damoclès, accentuant les tendances de montée des extrêmes et la distance abyssale entre peuples et dirigeants. Comme aime à le rappeler Angela Merkel, le risque sur Schengen existe, le risque (d’une implosion) de Schengen sur le reste du système européen également.

De ces crises qui se conjuguent pourraient pourtant surgir des raisons d’espérer : la question des réfugiés, centrale dans le débat outre-Rhin, amène l’Allemagne à repenser sa relation à la défense. Aussi pourrions-nous avancer plus rapidement sur ce chantier de coopération que sur celui de la consolidation de la zone euro. Une chose est sûre, nous avons besoin des deux.

23 Février 2016

Abonnez-Vous aux Echos

Retour à l'Europe

Retour au sommaire

 
INFORMATIQUE SANS FRONTIERES • Paris •   
Paris
France
Europe
UniversitÈs
Infos
Contact