Nuit des idées 2019 : « Il faut une révolution mentale », selon Philippe Descola
Par Le Monde - Propos recueillis par Nicolas Truong Publié hier à 11h21, mis à jour hier à 11h27

Invité d’honneur de la 4e édition de l’événement, l’anthropologue explique les raisons de notre aveuglement face à l’urgence écologique. Et appelle à repenser notre rapport à la nature.

Autour du thème « Face au présent », l’édition 2019 de la Nuit des idées invite, le 31 janvier en France et dans 70 pays, à débattre des grands défis de notre temps.

Anthropologue, spécialiste des Jivaros Achuar, en Amazonie équatorienne (Les Lances du crépuscule, Plon, 1993), Philippe Descola est professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’anthropologie de la nature. Disciple de Claude Lévi-Strauss et successeur de Françoise Héritier, médaille d’or du CNRS (en 2012) pour l’ensemble de ses travaux, Philippe Descola développe une anthropologie comparative des rapports entre humains et non-humains qui a révolutionné à la fois le paysage des sciences humaines et la réflexion sur les enjeux écologiques de notre temps (Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005). Invité d’honneur de la Nuit des idées, il dialoguera le 31 janvier à 19 heures à l’hôtel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, à Paris, avec Theaster Gates, artiste américain spécialisé dans les pratiques sociales et professeur au département d’arts visuels de l’université de Chicago, dans l’Illinois. Dans un entretien au Monde, Philippe Descola analyse la façon dont nous pouvons faire face à la catastrophe écologique.
Depuis que l’information circule en temps réel, nous avons davantage l’impression de vivre dans le même monde et au même instant.

Partageons-nous tous le même présent ?

Les systèmes de communication actuels nous donnent cette illusion de simultanéité. La circulation des images et des objets nous fait croire que l’on partage un système de valeurs devenu universel. Or la seule chose qui l’est, c’est le triomphe progressif du marché. En dehors du désir de se procurer des biens sur un marché et d’avoir les ressources pour le faire, chacun des présents varie. Les modes de vie, les aspirations, les valeurs continuent à différer profondément. Notre présent, c’est-à-dire notre capacité à nous projeter dans l’avenir en faisant référence à un passé, diffère selon les lieux et les communautés. Le seul présent collectif, c’est celui de l’état de la planète, mais même celui-là n’a pas la même force, la même pertinence et la même urgence pour tout le monde.

L’idée d’un présent partagé serait donc illusoire ?

Oui. Les présents des communautés autour du monde ne coïncident qu’artificieusement. Le présent d’un Amérindien expulsé de ses terres par une plantation de palmiers à huile ne rencontre le mien que lorsque je vérifie la composition d’un aliment que j’achète. Ce sont des coïncidences de tête d’épingle. On s’imagine partager le même monde, mais nos présents sont fondés sur des prémisses et des agendas différents. Toutefois, aujourd’hui, tous les humains sont confrontés à la question de l’état du système Terre et donc de notre futur commun. Nous devons tous faire face au réchauffement climatique, à l’érosion de la biodiversité, à la pollution, à l’appauvrissement des sols arables. Bref, à la détérioration des conditions d’habitabilité de la terre ; mais là encore, il y a des différences.

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1er Février 2019

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