L'hépatite C bientôt éradiquée ?
Par Paul Benkimoun




2014 pourrait être une année charnière dans la lutte contre l'hépatite C. Les meilleurs spécialistes de cette maladie, qui touche environ 235 000 personnes en France, selon l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS), sont réunis lundi 13 et mardi 14 janvier à Paris pour le 7e congrès sur les hépatites.

Lors de ce sommet international, des médecins ont annoncé qu'ils pourraient disposer, dès cette année, de traitements courts susceptibles de guérir la majorité des malades. Pour certains spécialistes, ces médicaments pourraient même permettre de guérir définitivement près de 100 % des malades atteints d'hépatite C. Deux nouvelles molécules devraient obtenir une autorisation de mise sur le marché en 2014 et plus d'une quinzaine d'autres arrivent à la phase finale de leur développement.

La France demeure un pays de relativement faible endémicité pour les hépatites B et C, responsables tout de même respectivement de 1 330 et 2 640 décès annuels. L’ANRS estime que dans le monde 350 millions de personnes vivent avec une hépatite chronique, dont quelque 150 millions sont atteintes d’une hépatite C chronique. Pour 50 à 90 % d’entre eux l’évolution de la maladie les conduira vers une cirrhose ou un cancer du foie.

Les régions de plus forte prévalence sont l’Asie, l’Afrique sub-saharienne et l’Egypte, mais un peu partout les groupes marginalisés comme les usagers de drogues injectables et la population carcérale présentent des taux d’infection par le virus de l'hépatite C (VHC) élevés. L’hépatite C est en effet principalement transmise par voie sanguine et faiblement par voie sexuelle. Là où la sécurité transfusionnelle et les politiques de réduction des risques ont été développées et grâce à des traitements plus efficaces, le nombre de cas annuels a diminué.



IGNORANCE DE L'INFECTION

L’un des problèmes majeurs touchant l’hépatite C est que bon nombre de personnes ignorent qu’elles sont infectées : en France, 41 % des porteurs du VHC n’ont pas connaissance de leur séropositivité. Evoquant une « épidémie silencieuse », car l’infection peut persister pendant des années sans symptômes, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains estiment que cette proportion atteint 75 % aux Etats-Unis et jusqu’à 90 % dans certaines régions de l’Union européenne.

Les spécialistes de l’hépatite C ont donc souhaité que soient actualisées, en France comme dans d’autres pays, les recommandations en matière de prévention et que soit adoptée, à l’instar des Etats-Unis ou du Canada, la préconisation d’un dépistage systématique des hépatites B et C, dans le même esprit que celui du VIH. « Le dépistage systématique simultané des trois virus deviendrait alors plus facile à proposer pour les médecins et plus facile à accepter pour les malades », souligne le communiqué de la conférence de Paris sur les hépatites.

Le professeur Dhumeaux doit rendre en mai au ministère de la santé un rapport sur la lutte contre les hépatites. Il devrait à cette occasion proposer un « élargissement raisonnable » du dépistage de l’hépatite C, afin ce concilier les besoins sanitaires et les dépenses de santé.



UNE MALADIE VIRALE QU'ON PEUT GUÉRIR

Eradiquer l’hépatite C est non seulement souhaitable, mais cela devient un objectif concevable. Il ne sera atteint qu’avec la combinaison de traitements des personnes atteintes et de prévention par un vaccin, qui n’est toujours pas mis au point. Or, la période actuelle est marquée par des progrès déterminants en matière de traitement, comme l’ont souligné les spécialistes réunis à Paris.

« L’hépatite C est la seule maladie virale chronique que l’on peut guérir, car contrairement à ce qui se produit avec le virus de l’hépatite B ou le VIH, le génome viral ne s’intègre pas dans le génome de la personne infectée. C’est pour cela qu’il est possible de parler de guérison dans le cas de l’hépatite C », remarque le professeur Daniel Dhumeaux, qui a présidé le Comité national du plan de lutte contre les hépatites B et C de 2009 à 2012.

Un traitement de référence combinant deux médicaments, l’interféron « pégylé » et la ribavirine, suivi pendant 24 semaines, permet d’obtenir généralement dans trois quarts des cas ce que les hépatologues appellent une « réponse virologique soutenue », autrement dit un VHC devenu indétectable dans le sang douze semaines après le traitement. Certains types de VHC sont cependant moins sensibles au traitement de référence.



NOUVEAUX ANTIVIRAUX

Plus récemment, des essais cliniques ont montré que de nouveaux agents baptisés « antiviraux à action directe », en combinaison avec d’autres molécules, permettent d’atteindre une efficacité supérieure (« de 90 % à 100 % », précise le professeur Dhumeaux) et sont mieux tolérés que l’association classique interféron-ribavirine, avec de plus une durée de traitement ramenée à douze semaines.

Le 22 novembre, l’Agence européenne du médicament a recommandé l’autorisation du sofosbuvir, du laboratoire américain Gilead, dans le traitement de l’hépatite C chronique et la Food and Drug Administration américaine lui a donné son feu vert quelques jours plus tard, le 6 décembre. D’autres molécules, comme le simeprevir (laboratoire Janssen) sont également en attente de leur autorisation définitive de mise sur le marché. « En tout, plus d’une quinzaine de molécules vont arriver à la phase finale de leur développement », souligne un communiqué émanant de la Conférence de Paris sur les hépatites.

Sous traitement, « on vit normalement, on travaille normalement », a expliqué le professeur Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon, contacté par Franceinfo.fr. L’année 2014 sera donc marquée par des possibilités d’alternative thérapeutique inédites. Encore faut-il pouvoir accéder à ces nouveaux traitements.

L'OBSTACLE DU PRIX

Dans les pays développés, le prix de vente d’un traitement complet par le sofosbuvir « devrait osciller entre 58 000 et 65 500 euros », s’inquiètent, dans un communiqué commun, des associations, parmi lesquelles Médecins du monde, Médecins sans frontières ou encore Act-Up Bâle. Elles soulignent qu’en 2014, « le sofosbuvir devrait générer des ventes à hauteur de 1,26 milliard d’euros pour Gilead. » « Un traitement complet contre l’hépatite C, incluant les nouveaux antiviraux, coûtera en moyenne de l’ordre de 100 000 euros, appuie le professeur Dhumeaux. Cela posera des problèmes dans les pays à ressources limitées. » Le phénomène de baisse drastique du prix des traitements contre le VIH-sida, sous la pression des médicaments génériques, est encore loin d’avoir affecté ceux contre l’hépatite C.

15 Janvier 2014

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