L'ONU réclame une nouvelle politique agricole mondiale
Par Anne Bauer


Dans un rapport rendu public hier, les différentes agences onusiennes et la Banque mondiale estiment que les coûts sociaux et environnementaux d'une agriculture intensive ont trop longtemps été occultés.

« Le statu quo n'est plus une option. » Tel est l'avertissement lancé hier par les différentes agences de l'ONU et la Banque mondiale, à l'occasion de la publication d'un rapport sur l'« Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement ». Alors que se multiplient les appels à une mobilisation internationale pour mieux faire face aux crises alimentaires que traversent les pays les plus pauvres, ce rapport appelle à une profonde modification des politiques agricoles mondiales, en soulignant que les énormes progrès de productivité depuis cinquante ans ont trop longtemps occulté les coûts sociaux et environnementaux d'une agriculture intensive.

Adopté par 64 pays, dont la France, le Brésil, la Chine et l'Inde lors d'une conférence intergouvernementale qui s'est tenue la semaine dernière à Johannesburg, ce rapport, établi par quelque 400 experts scientifiques de différents pays, demande de réorienter d'urgence les politiques agricoles vers une attention plus grande pour les petits agriculteurs et les agricultures familiales. Dans un monde où un agriculteur américain peut produire 2.000 tonnes de céréales par an, contre un maximum de 1 tonne pour un agriculteur africain, un rééquilibrage semble s'imposer. D'un côté il faut lutter contre une surintensification des cultures et toutes les pollutions qu'elle entraîne, de l'autre relancer l'aide au développement pour l'agriculture dans les pays démunis.

A propos de la hausse des prix agricoles, le professeur Robert Watson, directeur de ces travaux, souligne que s'ils nuisent dans l'immédiat aux consommateurs les plus pauvres, ils peuvent aussi être une opportunité formidable dans un monde où les trois quarts des quelque 850 millions de personnes qui souffrent de la faim sont eux mêmes de pauvres cultivateurs.



Défiance envers les OGM

Le rapport insiste sur deux caractéristiques importantes de l'agriculture : son caractère local et sa multifonctionnalité. En conséquence, il condamne les tentatives de libéralisation du commerce agricole, en rappelant qu'elles peuvent nuire à la lutte contre la pauvreté et à la protection de l'environnement. « Il y a tout lieu de craindre que l'ouverture des marchés agricoles nationaux à la concurrence internationale avant la mise en place des institutions et de l'infrastructure nécessaires n'affaiblisse le secteur agricole, ce qui aurait des répercussions à long terme sur la pauvreté, la sécurité alimentaire et l'environnement. »

Les experts se montrent aussi très méfiants sur les OGM, en rappelant que le système de droit de propriété intellectuel sur le vivant n'est pas une question anodine. « Les brevets relatifs aux transgènes peuvent accroître les coûts et réduire les activités d'expérimentation des agriculteurs ou des chercheurs du secteur public, tout en risquant de décourager les pratiques locales qui améliorent la sécurité alimentaire et la viabilité économique. » Et de réclamer que les biotechnologies se mettent au service des préoccupations locales, dans un processus transparent et participatif de décision.
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Avril 2008

Des experts appellent à repenser l'agriculture de demain

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