Une charte pour moraliser le marché de la compensation des émissions de CO2
Par Laurence Caramel


L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) devait rendre publique, lundi 11 février, une charte des bonnes pratiques de la compensation volontaire. Cette dernière, apparue récemment en France, a pour principe de "réparer" les effets de la pollution dont chacun est à l'origine. L'idée est simple : pour compenser les émissions de CO2 liées aux déplacements ou au chauffage des bâtiments, il suffit de financer des projets permettant d'économiser une quantité équivalente de gaz carbonique. Grâce à cet achat de crédits auprès d'opérateurs spécialisés, chacun peut devenir, selon l'expression consacrée, "neutre en carbone"
.

Un Américain émet en moyenne 23 tonnes de CO2 par an, un Français 8,2 et un Sénégalais 0,39 tonne. Le marché de la compensation volontaire s'est donc naturellement ancré dans les pays industrialisés. Après avoir soutenu le phénomène, l'Ademe a jugé nécessaire de rédiger une charte pour rappeler quelques principes et apporter de la transparence à un milieu qui en manque souvent. Le texte impose notamment de rappeler avec clarté aux utilisateurs que la compensation doit rester un second choix.

"La compensation doit s'inscrire dans une démarche globale de réduction des émissions. Laisser croire aux consommateurs qu'il suffit de verser quelques dizaines d'euros pour effacer leur impact sur la planète, c'est rater l'occasion d'une véritable prise de conscience", insiste Isabelle Sanié, de l'Ademe. En 2006, la compensation volontaire a permis - grâce à des projets le plus souvent ciblés dans les secteurs des énergies renouvelables ou de la forêt - d'"éviter" 13 millions de tonnes d'équivalent CO2. Dans le même temps, plus de 43 milliards de tonnes de gaz à effet de serre étaient rejetées sur la planète.

AUCUN CONTRÔLE

Le discours de certains opérateurs comme Climat Mundi, qui s'autorise à étiqueter des véhicules "neutre en carbone" sous prétexte que leurs émissions ont été compensées, est dénoncé. L'expression "produit neutre en carbone", jugée abusive, est bannie par la charte.

Aujourd'hui, ce marché, où se mêlent associations et entreprises, n'est soumis à aucun contrôle. Chacun peut proposer ce qu'il veut pour capter des clients d'un genre un peu particulier, puisque leur principal mobile d'achat est de se mettre en règle avec ce qu'ils jugent être de leur responsabilité à l'égard des générations futures.

"Le flou des règles méthodologiques et la faible traçabilité des produits autorisent la présence de projets de compensation de mauvaise qualité et ne procurent pas une information sécurisée à l'acheteur. Il en résulte une troublante hétérogénéité des prix", soulignent Valentin Bellasen et Benoît Leguet, de la Caisse des dépôts et consignations, dans une étude récente.

Les opérateurs ont en effet le choix entre proposer une compensation assise sur des projets dits "mécanismes de développement propre", estampillés Nations unies, faire valider leurs projets par un label reconnu internationalement comme le Volontary Gold Standard... ou fournir leurs propres garanties. "Nous finançons des projets trop petits pour entrer dans le cadre du protocole de Kyoto et les labels sont coûteux, explique Thomas Mansouri, de l'association CO2 solidaire. Mais chacun de nos projets possède un registre des tonnes de CO2 évitées et vendues."

L'Ademe souhaite que tous les projets fournissent une information harmonisée. La création d'un portail Internet (Compensation-co2.fr) devrait y contribuer, car les opérateurs, qui ont intérêt à recevoir l'onction de l'agence, devront, pour y figurer, se plier à une discipline commune. Les clients auront un droit d'alerte, et l'Ademe ne s'interdit pas de financer des enquêtes.
Les projets de reforestation risquent d'être les premiers à en faire les frais, car les conditions requises pour garantir le stockage du CO2 sur une longue période sont particulièrement exigeantes. Si des institutions comme ONF international, filiale de l'Office national des forêts, ont les moyens de les satisfaire, ce n'est pas toujours le cas de structures plus petites.
Les entreprises, qui ont alimenté l'essentiel de la demande de compensation, ont parfois été échaudées. Alors que le gouvernement vient de recommander aux compagnies aériennes de proposer à leurs clients des offres de compensation, l'initiative de l'Ademe devenait donc urgente.


Février 2008


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