Ethnographie du zamou :
La Pratique occulte de l’enrichissement rapide chez les jeunes
Par Franck Donald Kehi

NDLR : ISF publie ici un texte important destiné à décrire dans l'étendue de sa diversité, un phénomène africain et ivoirien en particulier préoccupant par son ampleur et chaque fois amplifié lors des périodes électorales. Le comprendre grâce à cette analyse pour mieux peut être tenter de résoudre une situation économique qui induit des comportements délictueux voire criminels parait essentiel. Triste réalité qu'il est peut être possible de juguler par des actions favorables à la prospérité et à la stabilité d'une pays que l'on souhaite ardemment voire émerger de ses difficultés.

Une vague d’assassinats a créé la psychose dans l’imaginaire populaire en Côte d’Ivoire, une Côte d’ivoire qui sort d’une décennie de crise politico-militaire dont les violences postélectorales de 2010-2011 ont constitué l’épilogue, faisant plus de 3.000 morts en cinq mois.  La police a comptabilisé 25 dossiers d’enlèvements d’enfants en trois mois, suivis de meurtres sur tout le territoire ivoirien . La plupart des corps ont été retrouvés "mutilés, avec la disparition de leurs parties génitales, ou décapités", selon la police ivoirienne . Près de 1 000 personnes ont été interpellées et ces personnes visées sont "essentiellement des individus fréquentant les cybercafés et rôdant autour des écoles". Les autorités n’ont pas encore établi de lien entre ces différents enlèvements, mais le ministre de la Défense a évoqué la piste de "cybercriminels" et d’une "filière de crimes rituels". Le mercredi 28 janvier 2015, "près de 550 cybercafés non autorisés ont été fermés par la gendarmerie nationale sur l’ensemble du territoire. A instar des autorités policières, la population ivoirienne désigne, sans preuve, les "brouteurs", des délinquants spécialisés dans les escroqueries sur internet, comme les auteurs de ces crimes.  Si les autorités se gardent bien de faire le lien, les rumeurs les plus folles ont toujours circulé pendant les années d’élections en Côte d’Ivoire sur les disparitions de personnes, notamment les albinos, à des fins de sacrifices humains.

Le terrain politique en Afrique est-il tellement perçu comme dangereux avec de nombreux adversaires tout aussi dangereux et redoutables dans l’imaginaire des hommes politiques que ces derniers n’imaginent pas qu’on puisse le garder sans s’entourer de toutes les protections . Dès lors, ils s’attachent les serviteurs des «pasteurs-coachs» ou «féticheurs-coachs» et autres maîtres des surnaturels (Guibléhon ; 2011). Les périodes électorales ou celles des remaniements gouvernementaux deviennent des moments propices pour des pasteurs, pour coacher les hommes politiques en proposant leurs services et biens de salut non gratuits permettant à ces derniers de se prémunir contre les forces du mal ou de maîtriser la dimension invisible du pouvoir qui leur échappe (Guibléhon ; 2011). Aussi, les sacrifices ou meurtres rituels se multiplient à la veille des échéances électorales. Tonda (2002b: 1-13 cité par B. Guibléhon ; 2011) décrit ces faits comme une «criminalisation populaire du pouvoir et des temps électoraux», une criminalisation renforcée par des «transactions financières occultes entre les sectes internationales et les cercles des pouvoirs d’Etat africains entre des pasteurs prophètes ou hommes de Dieu et des hommes politiques» .

Dans cette même perspective descriptive, les brouteurs, reconnu pour leur pratique zamoustique , sont plus ou moins indexé par l’opinion publique pour leur supposée implication dans ces assassinats d’enfants en cascade . En effet, l’avènement de la cybercriminalité s’est présenté comme une bouée de sauvetage pour les jeunes qui croupissait sous le joug du chômage qui atteignait 48% en 2008. Compte tenu de cette tendance pratique portée sur la façon de mettre au cœur du système de fonctionnement de ses activités  les recettes idéologiques et matérielles d’un coach spirituel , les brouteurs ont reproduit cette logique à l’intérieur de leur système d’activité en s’orientant au départ vers des féticheurs locaux  et ensuite, progressivement vers ceux de la sous-région de renommé averties. Ce choix se situe autour de la possibilité de maximiser leurs gains afin de donner une tonicité réelle à leur activité de broutage à travers la pratique du zamou superposée à un assemblage de stratégiques d’arnaque virtuels.

Ainsi, ces deux acteurs (acteurs politiques et brouteurs) sont ciblés par la population pouvant potentiellement présentée des profils criminels. Dans le cadre de cet article, nous allons nous intéresser spécifiquement aux brouteurs et au rapport qui semble existé entre la pratique du zamou dans sa démocratisation et l’idée du raccourcissement de l’espérance de vie de l’adepte du zamou.

1. Démocratisation de la pratique fétichiste dans une société ivoirienne dite modernisée

Après les indépendances, les hommes d’Etat ont convoqué le fétiche dans les sphères de la gouvernance pour maitriser les contingences liées à l’exercice du pouvoir. Par effet de ruissellement, l’appareil social s’est mis à reproduire voir à intégrer cette logique traditionnelle dans son quotidienneté sociale. Dans cette dimension, on assiste, par extension, à une institutionnalisation du fétichisme dans les instances du football professionnel ivoirien dans les années 80 et à son appropriation par les jeunes sensible au contrôle du pouvoir de la rue et de sa conquête territorialisée sans partage dans les années 90. Le fétiche apparait désormais sous sa forme moderne comme un outil  socio-culturel dynamique et réducteur des contingents structurels et sociaux compte tenu de ses effets de recomposition et de restructuration à l’intérieur d’un système social. En outre, les ‘’femmes au foyer’’ , déclassé socialement vu la répartition légendaire des tâches entre sexe au sein des couples, font recours au fétichisme pour maintenir et contrôler la structure familiale. Au-delà de cet aspect microsocial, aujourd’hui, semble se présenter une nouvelle configuration sociale où les adolescents mobilisent les compétences du fétiche dans leur activité informelle afin de redynamiser celle-ci.  Dans une perspective globale, nous sommes en face d’une démocratisation de la pratique du fétichisme dans une société ivoirienne en reconstruction. Ce constat nous permet de jeter les bases premières de la compréhension portée sur le caractère essentiel du fétichisme dans la constitution d’une activité sociale et de l’impact de ses effets sur le modèle de réussite de ses projets des acteurs sociaux ivoiriens. Mais, le déploiement des effets du fétichisme moderne laisse poindre à l’horizon, des conséquences liées à une logique du don . Donc, la question est de savoir, dans quelle mesure la pratique du zamou semble être conditionnée par le risque lié au raccourcissement de l’espérance de vie de l’adepte.

2. Une pratique fétichiste conditionnée dans les imaginaires sociaux par l’idée du raccourcissement de l’espérance de vie des adeptes

Les logiques qui gouvernent les comportements cybercriminels se construisent autour de l’imaginaire social caractérisé par l’idée du raccourcissement de l’expérience de vie des usagers du zamou. Cette idée résulte de la représentation populaire fondée autour du décès de l’initiateur de la mouvance culturelle «coupé décalé ». Accusé d’avoir troqué son âme en contre partie de la célébrité pour une période de trois ans , Stéphane Doukouré (Douk Saga) serait présenté comme le symbole de la représentation d’un cercle vicieux autodestructeur. Cette illusion constitutive de l’usage des fétiches se propage concomitamment avec les dispositifs de séduction du capitalisme néo-libéral faisant de la consommation la force motrice de son système (Tonda ; 2002).  En même temps que beaucoup de cybercriminels convoquent la pratique du zamou pour s’enrichir rapidement, elle est dans le même moment perçu comme un outil-réducteur de l’espérance de vie. Il ressort des préoccupations soulevées par ce deuxième ordre de constat les questions suivantes ; pourquoi malgré ce risque perçu, les jeunes s’y lancent ?  Comment est-ce que le besoin de se référer à cette pratique fétichiste et le risque qui y est perçu induisent en termes de comportements criminogènes chez ses jeunes ?

L’objectif de notre article est de comprendre le rapport qui existe entre la pratique du zamou et l’idée du raccourcissement de vie de l’adepte. Pour mener à bien notre recherche, nous nous sommes inspirées des données empiriques de notre mémoire de master de recherche effectué en 2014. La théorie de l’imaginaire sociale de Castoriadis nous permet d’analyser les productions imaginaires de la société ivoirienne et des effets qu’elles induisent.

Définition de l’imaginaire social

L’imaginaire social se définit comme l'autodéfinition d'une société par ses membres (Taylor, 2002). Cette notion renvoie à une sorte de théorie du social mais élaborée et partagée par les collectivités et non par les élites intellectuelles. Aussi, l'imaginaire social englobe non seulement la compréhension du monde et les attentes sociales communes qui permettent l'émergence de pratiques collectives, mais aussi la façon dont les individus s'organisent les uns par rapport aux autres dans la réalisation de ces pratiques collectives. Castoriadis (1986) insiste sur le caractère créateur de l'imaginaire, la société s'auto-instituant par l'imaginaire, même si elle occulte cette auto­ institution en la faisant passer pour l'œuvre des ancêtres, de Dieu ou des lois sociales ou historiques. L'imaginaire social n'encadre pas la société, il est la société et crée la société: société chaotique instituante créant, pour lutter contre le chaos qui la caractérise, une société instituée unifiée par la «cohésion interne du tissu immensément complexe de significations qui imbibent, orientent et dirigent toute la vie de la société considérée et les individus concrets qui, corporellement, la constituent» (Castoriadis, 1986: 224). C'est ce tissu que Castoriadis appelle le magma des significations imaginaires sociales. Ces significations imaginaires sociales renvoient ici à des notions telles que, esprits, dieux, tabou, péché qui nous paraissent beaucoup sous un caractère religieux.

Dans le cadre de notre recherche, nous voulons étendre cette conceptualisation en perspective avec les travaux de Jean-François Bayart, André Corten et André Mary. Tous ses auteurs se sont aussi inspirés de Cornélius Castoriadis pour qui, l’imaginaire productive encore appelée imaginaire radical intègre non seulement le symbolique, mais aussi ce que Castoriadis appelle l’imaginaire effectif, désignant les dépassements, les déplacements, les écarts ou les glissements de sens par rapport à la réalité. En effet, l’imaginaire radical désigne pour cet auteur la «  faculté originaire de poser ou de se donner, sous le mode de la représentation, une chose et une relation qui ne sont pas (et qui ne sont pas données dans la perspective) ou ne l’ont jamais été ». Cette perspective parait correspondre au contexte ivoirien où la totalité socio-historique, ainsi que le concept du fétichisme économique rendent indécidable les limites entre le réel, le symbolique et l’imaginaire. Toutefois, c’est à l’intérieur de l’imaginaire social que tout se construit, y compris la façon de se produit en représentation social ou la façon de manipuler les objets. Ces objets que sont les fétiches semblent avoir des origines bien lointaines, mais nous allons faire l’effort de structurer les différentes apparitions dans le monde social ivoirien moderne après les indépendances.


3. Archéologie socio-culturelle des dénominations urbaines du fétichisme moderne en Côte d’ivoire 

Fondamentalement, les modalités d’usage du fétichisme n’ont pas véritablement changé, c’est plutôt la dénomination qui a tendance à s’identifier aux exigences de la modernité. Les dénominations qui ont précédé le zamou se sont constituées au gré des variations des contextes politiques, économiques et sociales.

3.1.    Trajectoire socio-historique des dénominations du fétiche précédant le zamou

Les moments d’apparition  des dénominations sociales du fétichisme moderne dans le paysage social ivoirien présentent une certaine complexité au niveau de leur fixation socio-temporaire. Mais ce qui semble être précis, c’est la période d’apparition du langage nouchi  qui représente le marqueur social de l’existence socio-culturelle du fétichisme moderne dans la mesure où c’est à l’intérieur du langage nouchi que se sont construits ses différentes dénominations sociales du fétichisme moderne et aussi l’actualisation des croyances liées à ses effets psycho-sociaux et économiques.

Avant de se lancer dans l’analyse de ces concepts qui ont régulé la visibilité du fétichisme urbain, il serait important de les catégoriser. A travers nos données empiriques , il semble que l’on a affaire à deux grands ensembles de concepts de fétichisme en Côte d’Ivoire, à savoir ; la catégorie des Gbass et celle des Zamou autrement dit, le système d’attachement traditionnel et le système d’attachement moderne. Les composantes du concept Gbass sont entre autres ; le gbé, le gbagbadji, le gbass 1, le djigbô, le gbass 2. Concernant le concept du Zamou, nous avons entre autres ; ‘’le zamou dozo, le zamou broutage, le zamou foot, le zamou musicale, le zamou invisible et le zamou microbe. Nous allons essayer de poser une base définitionnelle de ses différentes concepts connus des ivoiriens, tout en les intégrant dans une dimension socio-historique.

3.1.1.  Le système d’attachement traditionnel ou la catégorie des Gbass

Si nous partons du postulat de Durkheim selon lequel le modèle religieux nait à l’intérieur d’une crise violente, de ce fait,  nous émettons l’hypothèse que la constitution des dénominations du fétichisme moderne s’est produite à partir des crises politico-sociales qui ont marqué la trajectoire historique de la Côte d’ivoire après les indépendances. Les premières violences politiques se sont portées sur la déconstruction des volontés sécessionnistes de certains groupes ethniques hostiles à la politique houphouétiste . Les premiers révoltés étaient les Agni du royaume Sanwi en 1963 . Mais, à travers les données empiriques que nous disposions, nous avons constaté que la plupart des dénominations attribuées aux pratiques fétichistes émanaient le plus souvent d’une production langagière du groupe ethnoculturel ‘’Bété’’ . Et ce qui semble concorder avec nos données, c’est la deuxième crise politico-militaire exercée en territoire Guébié (sous-groupe des Bété) en 1969 . Celle-ci se présente comme l’espace d’inventivité de la première dénomination du fétichisme moderne dans la mesure où les crises constituent le terreau favorable pour la fabrique des nouvelles formes de talismans et gris-gris contre l’adversité concrète.

➢    La guerre du Guébié et la formation de la première dénomination du fétichisme moderne

Nous émettons l’hypothèse que cette violence politique a été l’inventeur de la première dénomination du fétichisme moderne. Et ce fétiche est dénommé le ‘’Gbé’’. Dans sa définition première, le ‘’Gbé’’   est le fétiche ayant les capacités réducteur des contingences dans le cadre du football villageois. Signifiant ‘’une personne qui était rempli’’ de puissance surnaturelle en ethnie Bété, le ‘’Gbé’’ était perçu comme l’instrument magico-religieux efficace pouvant contrôler la structure d’un match de football villageois. Mais, son introduction dans la crise des Guébié a recomposé ses propriétés mystiques, se reconstituant par la suite en un outil de protection contre la violence politique instituée par l’armée gouvernementale contre les membres du PANA (Parti National Africain). Celle-ci n’a fait qu’une bouchée  des membres du PANA dans cette région du centre ouest de la Cote d’ivoire. Dans le prolongement de cette crise politique, les déplacés de guerre déportèrent cette appellation du fétichisme en zone urbaine.  Etant une production rurale, le ‘’Gbé’’ se voit contester sa légitimité par une nouvelle dénomination du fétiche construit en zone urbaine.

➢    Le miracle ivoirien des années 70 et l’émergence de la seconde dénomination du fétichisme moderne

Le progrès économique ivoirien des années 70 a engendré le déplacement des populations des campagnes vers les villes en quête d’une vie sophistiquée. Cet exode rural massif est absorbé par le filet de parenté et le substrat communautaire. A l’intérieur de ces familles d’accueil constituées se forment des relations d’inimitié entre les individus. Relevant de l’imaginaire de réussite construit autour une contrainte dialectique de sorcellerie/jalousie, les receveurs accusent les arrivants ou les parents du village de sorcellerie. Nous assistons à un transfèrement des dynamiques sociétales traditionnelles dans un environnement progressivement moderne. En référence à la citation communément administré dans des circonstances analogues, « c’est fer qui coupe fer», les accusateurs mettent en place une pratique de défense/attaque allant dans le même sens que la sorcellerie, mais celle-ci est considérée comme une sorcellerie de bienfaisance pour les initiateurs. C’est ainsi que le ‘’Gbagbadji’’ fait surface. Ainsi,  le ‘’Gbagbadji’’ apparait comme le premier fétiche de l’ère moderne, un outil-fétiche déconstructeur de cette logique dialectique consubstantielle (Jalousie/sorcellerie). Présentant un caractère défensif au même titre que le ‘’Gbé’’, le ‘’Gbagbadji’’ est également porté plus vers l’avant, orienté vers les forces de la sorcellerie mesquine et sournoise. S’inscrivant dans une dynamique de prospérité économique où la conception de la jalousie urbaine semblait être à ses débuts de construction des relations sociales entre les citadins, le ‘’Gbagbadji’’ apparait comme le fétiche-protecteur contre les forces dites du mal, les forces jalousent de la réussite sociale d’autrui. Au cours de sa trajectoire historique, le ‘’Gbagbadji’’ se recompose progressivement pour donner naissance au ‘’Gbass 1’’. Celui-ci prend pied dans une dynamique footballistique où la Côte d’ivoire sera le pays organisateur de la prestigieuse compétition de football en 1984 notamment la CAN (Coupe d’Afrique des Nations de football).

➢    A l’intérieur du football moderne ivoirien, la constitution de la première version du ‘’Gbass’’

Les dynamiques autour du football ont toujours rimé avec les manifestations des compétences du fétiche. L’institutionnalisation du championnat ivoirien a simplement propulsé la visibilité des capacités du fétichisme devant la scène internationale en légitimant sa pratique.  Le ‘’Gbass 1’’ apparait comme le premier fétiche à s’introduire viscéralement dans les arcanes nationales du football moderne. Perçu comme une version urbaine de la dimension première du ‘’Gbé’’, le ‘’Gbass 1’’ disposait d’une capacité à redéfinir la trajectoire structurelle d’un match de football. Sur le plan structurel, le ‘’gbass 1’’  influence les stratégies des dirigeants des différentes équipes du championnat.  Ces derniers s’engageaient à employer des féticheurs-coach aux services de leur club. Au-delà du staff managérial, le féticheur-coach apparaissait comme le prévisionniste évènementiel et l’organisateur psychologique de l’équipe. Celui-ci dicte les conduites des footballeurs et des entraineurs (Komenan Kouakou ; 1985). De façon individuelle, les footballeurs disposaient des ‘’gbass 1’’ provenant de leur féticheur personnel (Komenan Kouakou ; 1985). En somme, l’ensemble de ces dynamiques individuelles et collectives a contribué à l’élaboration des effets du fétiche moderne et à l’élargissement de son champ d’action. Initialement présenté comme un instrument porteur de confiance, le fétichisme urbain continue sa couverture sociale en parachutant littéralement dans les années 90 dans une sphère beaucoup plus complexe, celle de  la violence urbaine marqué par un contexte social structuré autour du multipartisme. Du ‘’Gbass 1’’, on passe au ‘’Djigbô’’.

➢    De la loi du ‘’Digba’’ à la constitution du ‘’Djigbô’’ dans un contexte de multipartisme

Dès la période d’introduction massive des enfants dans le tissu académique dans les années 80, l’espace scolaire se transforme en espace de dispute d’intérêt et de confrontation d’idées entre les enfants issus des espaces défavorisés. L’école leur fournit l’espace et les moyens d’inventer des lois relatives à l’ordre constitutif du champ hors-école. Les individus injectés par le système éducatif atterrirent le plus souvent dans l’univers de la rue. En plus de la configuration constituée autour de la débrouillardise des immigrés et de la violence constituante, se forment des principes et règles de la rue réglés par la ‘’loi du Digba’’. Celle-ci se présente comme la loi qui repose sur la force physique, la loi du ghetto.  De sa définition originelle, le ‘’Digba’’ signifie en ‘’nouchi’’ la masse  musculaire qui est souvent corrélative à la force physique. Ainsi, pour contrôler les espaces de rue, la nécessité du ‘’Digba’’ est de rigueur dans un contexte de compétition entre gang.  Les effets filmiques en rapport avec la violence constituaient la source de recyclage des comportements constitutifs à la violence urbaine. Parmi les films présentés par la télévision nationale ivoirienne  dans les années 90, un film à caractère bande-dessiné a marqué la conscience collective des jeunes de cette époque, à savoir ‘’les défenseurs de la terre’’ .  Ce programme a beaucoup influencé la perception globale des jeunes en rapport avec l’usage de la force physique ou de la violence dans la structuration des rapports entre  individus. Dans cette bande-dessinée, il y avait un personnage dénommé le ‘’fantôme’’ qui avait cette tendance de recevoir ses puissances surnaturelles à travers l’invocation systématique des incantations magiques . D’où, l’essence du ‘’Djigbô’’ tire son origine historique dans ces effets filmiques.

L’action de réciter des paroles semblable au personnage ‘’fantôme’’ et les effets magico-religieux qui s’en suivent  enfantent littéralement une pratique nouvelle du fétichisme moderne dans le milieu de la délinquance juvénile. Cette pratique greffé aux croyances anthropo-réligieuses formalisent et instituent le Djigbô. De sa définition originelle issu du langage Bété , le ‘’Djigbô ’’ ou le ‘’Djigblô’’ signifie « que ma puissance vienne ». Assimilé au fétiche de la bagarre, le  ‘’Djigbô’’ apparut dans le creusé de la fin 1980 au début des années 1990 et trouve sa légitimité dans la nécessité de domination intégrée dans la structure de luttes territoriales instituées entre les jeunes des banlieues communément appelés les loubards . Les composantes intégrées dans la structure de domination reposent sur trois éléments, à savoir ; le potentiel musculaire ou le Digba, la détermination du groupe de référence en quête d’identité craintive et le ‘’Djigbô’’ comme fournisseur de confiance. La jonction pragmatique du ‘’Djigbô’’ et ‘’Digba’’ semble être l’élément producteur de  violence et le facteur structurant la hiérarchie entre les membres d’un même groupe, tenant en respect les groupes rivaux. Par ailleurs, vu l’institutionnalisation des compétences de ses jeunes dans une armé privée  construit à dessein par le pouvoir Houphouétiste pour museler l’opposition, le ‘’Djigbô’’ se recompose et se reconstitue en une pratique nouvelle du fétichisme dans un environnement socio-politique dominé par la lutte des héritiers Houphouétistes. Dans cette perspective, il se produit la réémergence de la dénomination du ‘’Gbass’’  sous une forme secondaire au cœur d’un système social fragilisé par les effets de la dévaluation du franc CFA  en janvier 1994.

➢    La stratégie du PADOM et la manifestation du ‘’gbass 2’’.

Initialement orienté spécialement dans le domaine du football, le gbass 1 redéfinit son champ d’action et démocratise son usage en empruntant les propriétés mystiques du Djigbô, s’incarnant une décennie plus tard en ‘’gbass 2’’. Incorporant les propriétés de ses prédécesseurs (le Gbass 1 et le  Djigbô), le gbass 2 se construit sur les fondations d’une structure sociale forgée autour des crises multiples . Avec la fragilisation des liens sociaux occasionnés par ses crises sociales à répétition, le ‘’gbass 2’’ se propose comme le modèle du fétichisme refondateur et réconciliateur des liens délétères. Et comme la mauvaise gestion de la dévaluation de la monnaie du franc CFA a atteint le cœur du système d’épargne familial et par extension le panier de la ménagère, le pouvoir économique individuel se rétrécie, orientant les hommes à développer une nouvelle stratégie socioéconomique que Francis Akindès (2002) a dénommé le PADOM.

Définissant le programme d’ajustement domestique, le «PADOM» consiste à s’attacher les services sentimentaux de plusieurs femmes esseulées mais qui, en raison de leurs activités dans le secteur informel, sont financièrement autonomes (Akindès, 2002). Pour l’homme, acteur principal de ce «réseau», l’enjeu de ces relations amoureuses multiples est de profiter des ressources des partenaires pour soutenir financièrement son autorité paternelle, menacée dans le foyer principal par l’érosion des revenus (Akindès, 2002). Dans ces relations amoureuses opportunistes à enjeu économique, le principal critère de choix des partenaires féminins est leur indépendance économique (Akindès, 2002). A l’intérieur de ce système polygamique institué par les hommes pour joindre les deux bouts, se construit une réponse au niveau des femmes, dont l’objectif consiste à contrôler le mari qui constitue la figure paternelle symbolisant une reconnaissance social pour la ‘’femme au foyer’’  dans un environnement conservateur. Donc, le gbass 2 se positionne comme l’outil de contrôle du système matrimonial permettant de maitriser souterrainement la cellule familiale. ‘’Attaché le mari en commun’’ pour soi devient le modèle fétichiste par excellence pour les femmes inscrites dans ce système polygamique. Dans cette dynamique sociale, la visibilité des effets du Gbass 2 trouve son fondement dans la structure de réponses apportées par femmes à l’intérieur de la stratégie socioéconomique des hommes dans le nouveau modèle familial ivoirien constitué après la mauvaise gestion des retombées bénéfiques de la dévaluation du franc CFA.

Le modèle du système d’attachement fétichiste précédant le Zamou prend sa source dans le mode de fonctionnement du Gbass 2. C’est le modèle achevé du système d’attachement fétichisme avant la pratique du Zamou. Se définissant comme l’action de relier mystiquement deux individus différents dans lequel l’individu demandeur contrôle subtilement l’individu ciblé, le Gbass 2 fait le lit du zamou dans un contexte social marqué par une compétition autour des ‘’hommes capables’’ (les hommes qui ont un emploi socialement apprécié). Au-delà du PADOM, les hommes préférant conserver leur statut monogamique, mettent en œuvre la stratégie du deuxième bureau. Le deuxième bureau définit ‘’la copine’’ ou l’aman. Cette liaison extraconjugale est considérée comme le prolongement d’un système polygamique inavoué mais illégitime. Dans ce cas d’espèce, le gbass 2 redéfinit ses modalités d’usage compte tenu de la distance géographique séparant les deux épouses en compétition. Etant le sujet de convoitise et l’enjeu de cette compétition, le mari est systématiquement ‘’attaché’’ par l’intermédiaire des effets du gbass 2 par l’une des concurrentes parce que nous pouvons nous retrouver dans une configuration où il y a ‘’plusieurs bureaux’’. Les manifestations extérieurs du gbass 2 rendent compte des dynamiques actuelles autour du zamou et de ses effets de croyances supranaturels.

Partant de son profil social global, la catégorie du ‘’Gbass’’ ou le système d’attachement traditionnel représente ce système  d’attachement fétichiste où est construit un lien mystique reposant sur une recette magico-religieux reliant une cible de son choix dont l’objectif est de contrôler cette cible ou une situation contingente. Au cours de sa trajectoire socio-historique en lien avec les exigences de la modernité, une rupture s’opère dans les dynamiques d’usage et dans l’essentialisation de la pratique fétichiste dans les domaines d’activités pendant la décennie des années 2000. La dénomination fétichiste de la catégorie du ‘’Gbass’’ se recompose en 2002 et se constitue en se conceptualisant en zamou. Le mouvement dynamique de recomposition et de reconstitution des concepts occultes marque une rupture absolue dans l’inventivité des dénominations du fétichisme moderne. Le contenu fonctionnel du système d’attachement du ‘’Gbass 2’’ est reversé dans le contenu mécanique de fonctionnement du zamou. Du système familial au football en passant par la violence juvénile, le fétichisme atterri systématiquement dans la longue période de crise militaro-politique de 2002.

3.1.2.  Le système d’attachement moderne ou la catégorie des Zamou

La crise socio-politique de 2002 a été le révélateur du zamou, nouvelle dénomination du fétichisme. Les dozo constituent les vecteurs de cette nouvelle pratique reposant sur l’invincibilité du porteur du zamou caractérisé par sa capacité de se constituer en anti-balle. Par ailleurs, force est de constater que la formation de cette nouvelle dénomination du fétichisme s’est effectuée dans la capitale économique ivoirienne à travers le langage populaire ivoirien.

•    Archéologie du concept zamou

Le zamou est le signifiant d’une nouvelle dénomination du fétichisme moderne et le produit d’une inventivité sociale formée à l’intérieur du ‘’nouchi’’ qui représente le langage populaire ivoirien. La formation du concept de zamou apparait à partir d’une interprétation marginalisante portée sur le fonctionnement de l’activité des « pousseurs de charrette ». Cette activité informelle s’exerce par l’action individuelle ou collective de transporter des marchandises à l’aide d’une charrette communément appelés ‘’wotro’’ . Inventée par les immigrés, « le poussage de wotro » ou le « wotrotiguisme  » est une activité informelle qui semble être pratiquée essentiellement par ces derniers, en l’occurrence par les nigériens selon l’imagerie populaire. Afin de venir à bout de ces énormes charges de marchandises, les « pousseurs de wotro » s’arment d’amulettes et de gris-gris ayant pour rôle de mobiliser des forces extérieurs s’incarnant en une ressource additionnelle pouvant potentiellement contribuer à la capitalisation d’un effort physique reél. Le port en permanence de ses gris-gris perçu comme objet de démarcation sociale les singularise des autres individus intégrés dans d’autres corps de métier liés à l’informel. Ainsi, leur apparence physiologique régulièrement peu soigné combinée à leur statut d’immigré génère, dans l’imaginaire social, un sentiment dédaigneux vis-à-vis de cette activité moins rémunératrice. A travers cette perception négationniste de ce travail informel nécessitant la force physique, l’imaginaire productif construit une représentation dévalorisante rebondissant sur les caractéristiques socio-culturelles qui composent ses différents groupes ethnoculturels immigrés (les bella, les Zarma, les bozo etc...).

➢    Le portrait socio-anthropologique du zamou

Parmi les groupes ethniques bien connus des populations du sud ivoirien, nous avons les Bella  et les Zarma  identifiées comme les immigrés exerçant cette activité de pousseur de wotro. Selon la division du travail tacitement structurée par la politique houphouetiste dans les années 60 et 70, le secteur public ou formel était réservé aux ivoiriens et le secteur informel aux étrangers génériquement appelé les Dioula  (Barnegas, 2009). En les incorporant au groupe Dioula génériquement construite par l’imaginaire social des populations du sud, les zarma et les bella sont perçus comme la composante qui s’adonne aux activités ultra dévalorisantes. Cette image dévalorisante construit socialement redéfinit l’identité et le statut de ses immigrés, reformulant du coup leur nom culturel d’origine. Dans le souci de les cataloguer dans un système dénominatif dégradant indiquant une catégorie sous-culturellement arriérée ou dominée, l’imaginaire social invente un pseudonyme à la hauteur de cette représentation précaire. On assiste à la déformation du nom zarma, se transformant en concept ‘’zamlanhmlan’’. En Côte d’ivoire, le zamlanhmlan représente tous les immigrés exerçant des activités informelles franchissant la limite de l’inacceptable sociale.

Par ailleurs, dans une perspective particulière, l’imaginaire social voit à travers la prononciation linguistique du nom bella, une approximation sémantique définissant un état d’esprit particulier en relation avec un écervelé, « ‘’une bête’’, un Bella ». Cette production de l’imaginaire social repose sur l’interprétation liée aux efforts surhumains que ces derniers déploient pour des rémunérations peu conséquentes. Cette appellation dévalorisante émane d’une pensée globalisée dans une Côte d’ivoire bâtie construit sous les projecteurs  de  la prospérité économique des années 70. S’adonner à ses activités du type informel était véritablement humiliant pour un ivoirien dont la politique Houphouétiste avait fait de lui, le modèle citoyen par excellence de la sous-région ouest africaine. Ainsi, la construction linguistique du zamou découle de cette configuration complexifiée des représentations sociales portée à l’endroit des composantes constitutives des activités informelles.

La nouvelle dénomination du fétichisme moderne zamou provient du glissement linguistique du concept du samou. Originellement, l’expression ‘’samou’’ désigne les animaux chez les zarma. En effet, force est de constater que le peuple zarma évolue dans un environnement saharien marqué par la présence effective des animaux domestiques composés en grande majorité des herbivores (chameau, mouton, bœuf, etc…). Ainsi, le samou serait le brouteur d’herbe c’est-à-dire cet animal domestique herbivore. A travers cette démonstration, nous constatons que la notion du zamou dérive du glissement sémantique du concept samou sur lequel les jeunes de la rue ont surfé en écorchant la prononciation originelle. Du samou, on arrive au zamou. Comment cela s’est-il opéré ?

Partant du principe initial selon lequel, le zamlanhmlan convoque les compétences des gris-gris pour venir à bout de ses charges, le zamou émerge de cette perception populaire en lien avec le port et les effets du gris-gris. A y regarder de plus près, le préfixe « za » du zamlanhmlan vient se positionner en avant en supprimant le préfixe « sa » du samou et devient zamou. Se produisant à travers ce décalage linguistique, le zamou constitue l’équivalent du brouteur. Donc originellement, le zamou est le brouteur et le brouteur le zamou. L’un dans l’autre s’emboitent et se dissocient à l’intérieur du ‘’nouchi’,’ produisant des significations et des représentations différenciées et diffusées par l’imaginaire des jeunes de la rue en premier, relayés et consommés par les populations ensuite.

De ce fait, le concept de zamou serait né aux alentours de l’année 2000 dans les espaces des gares  dans la commune d’Adjamé , terreau ancestral inventivité des vocabulaires populaires du ‘’Nouchi’. La construction linguistique et sémantique du concept du zamou repose sur la couche structurelle des pratiques fétichistes antérieures recouvertes d’une dénomination étrangère réadaptée aux exigences du regard extérieur des populations. S’érigeant en substrat constructeur de confiance, le zamou serait le résultat d’un effet d’entrainement socio-historique des recompositions des concepts fétichistes. A l’instar du Garba  qui est le nom attribué au couscous de manioc fermenté considéré comme le plat national ivoirien, le zamou ressort de ce même tempo culturel initié par les immigrés des pays de l’hinterland. Avec la représentation métaphysique du médicament perçus par les ivoiriens et qui est le propre du zamou,  l’analyse de ce dernier rend compte des dynamiques sociales et des représentations objectives du phénomène de la cybercriminalité à l’ivoirienne. 

3.1.3.  Le zamou  dans tous ses états

Le zamou dozo. La crise politico-militaire de 2002 serait le laboratoire où ont été conçus le modèle pratique du zamou et ses effets dynamiques. Il triomphe de par son caractère efficace réglé par l’imaginaire des dozos  et relayés par certains membres des ex forces rebelles. La représentation positive de sa trajectoire au cours de la crise de 2002 permet au ‘’zamou dozo’’ de rebondir dans le monde de la cybercriminalité où il atteint le summum de sa trajectoire célébrissime. Compte tenu des exigences de notre étude, nous allons distinguer les différentes dénominations du zamou en les brodant au secteur d’activité dans laquelle elles se meuvent, formule expressive non utilisée dans le vocabulaire linguistique ivoirien.

Zamou broutage. La crise politico-militaire de 2002 a favorisé l’implantation de la cybercriminalité qui semble être la conséquence de deux évènements superposés, à savoir ;  la venue des cybercriminelles nigérians autour de 2001 superposé à l’avènement de la mouvance musicale afro-antillaise « coupé décalé » et ses corolaires liés aux pratiques d’arnaques virtuelles du type cybercriminel patriotique  en 2003. Le broutage serait le cadre d’expression privilégié du zamou et serait l’espace à l’intérieur duquel s’est structurée la visibilité et la légitimité du zamou. Construisant une identité autour de la codification de leur langage, les brouteurs puristes essaient d’inventer périodiquement des expressions pouvant susciter la confusion dans l’identification de la notion du zamou à travers leur discours. La récente invention de la dénomination du zamou serait le z.

Zamou foot. La société ivoirienne fait usage du concept du zamou en le plongeant dans tous les domaines d’activité sociale possible, là où elle constate la démarcation des compétences hors normes d’un individu doué ou exceptionnel. Ainsi, l’imaginaire social introduit les compétences du zamou dans le contexte footballistique où l’ascendance fulgurante de l’international Didier Drogba dans les années 2004-2011 sera interprétée comme l’impact des effets positifs d’un possible zamou que ces parents lui auraient donné ou qu’il aurait confectionné. Donc, à partir de ce fait, le ‘’zamou foot’’ prend son sens. Le ‘’Drogba national’’ appelé affectueusement ‘’Gbagbadê’’ aurait lavé sa tête et ses pieds avec une recette magico-religieuse. Et cette recette serait à la base de son talent lié à ses jeux de tête et à sa capacité à scorer des deux pieds. Lorsque nous nous referons à  Marx et Godelier (cité par Tanda ; 2003), le «dépassement» de l’homme ouvre sur des systèmes symboliques: le mythe, la religion et, de manière plus générale, l’idéologie et l’imaginaire. Cette analyse est plus explicite chez Weber (cité par Tanda ; 2003), lorsqu’il constate que, ce qui dépasse l’homme ordinaire s’incarne dans l’action extraordinaire, c’est-à-dire magique , et, de manière plus générale, dans les actes concrets des hommes «hors du commun».

Zamou musique. L’industrie musicale ivoirienne a connu une profonde recomposition à l’arrivée du coupe décalé en 2003, avec en toile de fond, l’émergence d’une nouvelle catégorie d’artiste musiciens, en la personne des Disc Jokers appelé communément les DJ. Parmi ses nouvelles espèces d’artistes, Arafat DJ  sera perçu comme le meilleur DJ  de sa génération. Atteignant le sommet de son art en 2008 avec ses tubes à succès, Arafat DJ met en place une stratégie reposant sur l’actualisation de son pseudonyme rythmé par la sortie de ses tubes musicaux. Après Arafat DJ, il se fera appeler Yorobo. Considéré comme le pseudonyme ayant participé activement à sa célébrité, le nom ‘’Yorobo’’ serait perçue comme la dénomination d’un village béninois attribué à l’artiste en reconnaissance à la confection de son zamou sans égal. Donc, l’imaginaire de réussite est présenté comme une construction mystique basée sur un tissage de liens avec des forces surnaturelles fondateur de cette réussite singulière. Ainsi, le zamou musicale prend son sens à partir de l’éclosion de cette artiste ayant des origines sociales modestes et se singularisant par ses déboires et son comportement bad boy. Ainsi, cette représentation du zamou reste présente dans la conscience collective jusqu’à ce que l’avènement de la crise post-électorale en 2011 vienne changer le contenu de cette représentation. 

Zamou microbe. Nouveau contexte, nouveau zamou. Les fétiches définissant le zamou invisible sont mis à la disposition de tous les combattants, y compris des adolescents. Sa particularité est de rendre invisible ses combattants et décuplé leur capacité de violence face aux forces gouvernementales et la révèle a été assuré par ses adolescents porte-minutions pendant les situations de normalité. Ainsi, ces adolescents ex combattants appelés désormais microbes s’appuient sur leur fétiches-bague ou fétiches-bracelet appelé zamou-microbe pour opérer sur les passants en bande organisée.



Annexes :

http://www.jeuneafrique.com/33653/politique/c-te-d-ivoire-la-police-appelle-ne-pas-lyncher-les-suspects-d-enl-vements-d-enfants/
Idem
Ibidem a affirmé lundi 2 février 2015  le ministre ivoirien Paul Koffi Koffi lors d’une conférence de presse. Comprendre plus, cliquez sur ; http://www.jeuneafrique.com/33884/politique/c-te-d-ivoire-que-sait-on-des-enl-vements-d-enfants/

Les autres cybercafés doivent fermer leurs portes à 21h00, a ajouté l’ex ministre de la défense Paul Koffi Koffi.  http://www.jeuneafrique.com/33884/politique/c-te-d-ivoire-que-sait-on-des-enl-vements-d-enfants/
  Ces criminels ignobles, nous allons tous les arrêter et les mettre en prison", avait affirmé la ministre de l’Éducation Kandia Camara, reprenant à son compte les accusations populaires . http://www.jeuneafrique.com/33884/politique/c-te-d-ivoire-que-sait-on-des-enl-vements-d-enfants/
Idem
L’hebdomadaire africain, Jeune-Afrique, a consacré un intéressant dossier à la question «La sorcellerie au cœur du pouvoir», Jeune-Afrique, n° 2686 du 1er au 7 juillet 2012: 24-33 cité par Bony Guiblehon, in le marché des révélations divines dans le contexte de crise politique en côte d’ivoire, 2011. 

Tonda cité par Le Monde (du vendredi 24 décembre 1999: 8) en faisant référence à «L'enquête sur le Temple solaire révèle le monde des sociétés secrètes», in Bony Guiblehon, le marché des révélations divines dans le contexte de crise politique en côte d’ivoire, 2011. 
La pratique zamoustique est en référence avec les tours de magie que les brouteurs mettent en scène devant le grand public dans les espaces de production de visibilité (boite de nuit, maquis etc.).
Comprendre plus,  https://www.facebook.com/abidjanpub225/videos/vb.831419093589485/1078892822175443/?type=2&theater
A Bonoua, une ville située à 45 km d’Abidjan, il s’est produit le meurtre d’un enfant de 5 ans orchestré par un adolescent supposé être un brouteur. Selon lui, il aurait perpétré ce crime sous injonction d’un marabout en contre parti d’une richesse à travers son activité cybercriminelle, le broutage. Voir plus, cliquez sur ; https://www.youtube.com/watch?v=Dcz0AKY9xV8
  Selon les expressions de Guiblehon, coach marabout, coach prophète, coach sorcier etc.
  Les féticheurs du quartier ou de la ville d’Abidjan et ses péripéties.
  Les femmes mariées ou en couple (concubinage).
  Le donner, recevoir, rendre avec intérêt de Marcel Mauss.
 
Doug Saga est décédé le 12 octobre 2006 à Ouagadougou, au Burkina Faso dans des conditions mystérieuses. A sa mort, plusieurs hypothèses ont été avancées. Ainsi donc, des maladies comme la pneumonie atypique, le SIDA et autres affections contagieuses ont été cités comme cause de son décès. Tandis que d'autres personnes soutenaient, elles, la thèse du mysticisme. Pour ces personnes, Doukouré ne serait pas mort d'une mort naturelle, car le "boucantier" aurait vendu son âme au diable en pactisant avec un marabout au Bénin. A les croire, Saga serait décédé trois années après avoir réussi son pacte avec un marabout. Sacrifiant ainsi sa vie pour trois années de bonheur. Trois années au cours desquelles il sera envié, choyé et chéri par une armada de fans. Malheureusement, il nous a quittés dans la fleur de l'âge. Cette hypothèse, ne serait pas à négliger. Quand on sait que certains jeunes ivoiriens se sont intéressés de près à la vie outrancière que menait le "boucantier". Passage extrait du journal hebdomadaire ‘’Top visage’’, écrit par Franck Hamilton;
http://scamaga.over-blog.com/pages/Lu_dans_la_presse_ivoirienne-1721604.html
 
Le nouchi est l’argot ivoirien régulièrement parlé par les jeunes. Il a été inventé par des immigrés guinéens du groupe ethnoculturel ‘’soussou’’ dans les années 80. Cette catégorie d’immigrés a pu s’intégré grâce à la manipulation du ‘’dioula’’ la langue la plus parlée, associé au français, accompagnée par leur langue d’origine ‘le soussou’’. C’est à la suite de cette combinaison linguistique qu’est venu se greffer d’autres combinaisons linguistiques issues du terreau local. Dans la définition étymologique du Nouchi, nous avons deux syllabes, le « nou » et le « chi ». « Nou », en malinké (Dioula), signifie « le nez », tandis que « chi » veut dire poil. Cela donne en un mot, « poil de nez » donc « moustache » pour désigner le méchant, à qui tout le monde voulait ressembler vu que c’est un langage qui a été initialement vulgarisé par les jeunes de la rue. Un « nouchi », c’est un homme fort (notamment un ‘’chef bandit’’ mexicain des westerns qui est souvent un moustachu), craint de tous et qui n’a peur de rien, ni de personne. Le nouchi a notamment été popularisé par la chanson Premier gaou du groupe Magic System. https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouchi
 
Issu de notre mémoire de Master.
 
Felix Houphouët Boigny est le premier président de la Cote d’ivoire. Sa politique était fondée sur la continuation de la politique coloniale concernant celui de l’intégration africaine. Cette politique coloniale renouvelée a suscité des mécontentements au niveau des nationaux voyant celle-ci comme un facteur réducteur d’opportunités.
  Les Événements du Sanwi se réfèrent à une tentative sécessionniste émanant d'une région située à l'est de la Côte d'Ivoire, le Royaume du Sanwi, visant à faire sécession vis-à-vis de l'État ivoirien en 1969. Ils se réfèrent également à la répression de cette initiative. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ev%C3%A8nements_du_Sanwi
  Les Bétés sont un groupe ethnique provenant de groupe Krou. Ils sont situé au centre-ouest de la Cote d’Ivoire.
En 1970, dans le Guébié, un canton situé à l'ouest de la Côte d'Ivoire, près de la ville de Gagnoa, une révolte émerge en réponse à l'interdiction de la mise en place d'un nouveau parti politique, le PANA (Parti National Africain). Considéré comme un affront par la classe politique gouvernante, cette initiative politique a été sévèrement réprimée et aurait fait environ 4 000 morts (bilan sujet à controverses). Le 26 octobre 1970, un étudiant de l'ethnie bété, Kragbé Gnagbé, créateur de ce nouveau parti, avec quelques centaines de paysans, vont occuper Gagnoa, capitale régionale, et proclamer une République d’Éburnie. Kragbé Gnagbé sera mortellement blessé dans les affrontements qui suivront. Après ces évènements, on n’entendra plus parlé de lui. Comprendre plus, cliquez sur ; https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C3%A9nements_du_Gu%C3%A9bi%C3%A9

Aujourd’hui, dans le langage nouchi,  Gbé signifie’’ être rassasié’’. Littéralement cela s’emploie comme suite ; je suis gbé, traduction : je suis rassasié ou je suis remplir de pouvoir surnaturel ou je suis un dur.
Selon Samba Diakité, dans son œuvre, les faux complots de Houphouët, il aurait eu 4000 morts lors de la guerre des Guébié.

Le «PADOM», programme d’ajustement domestique, comme on appelle dans le milieu des fonctionnaires ce partenariat amoureux multiple (Akindès, 2002).
Cette expression communément employé par les ivoiriens définit la femme concubine ou mariée traditionnellement ou modernement.

  Wotro désigne un véhicule en Dioula, groupe ethnique situé au nord de la Côte d’ivoire.
  Wotro-tigui définit l’individu qui exerce le métier de poussage de wotro. Ainsi le wotrotiguisme est cette activité informelle en question.

  Les Bella (Bella ou bela en songhaï, Bouzou en haoussa, Ikelan en tamasheq) sont un groupe ethnique ou une caste issu du statut servile dans la société touareg. Selon Edmond Bernus, géographe et spécialiste des Touaregs, les notions de castes et d'ethnies ne sont que des catégories ethnologiques imparfaites pour décrire cette population et il est difficile de leur attribuer de façon nette l'une des deux définitions. Affranchis depuis l'époque coloniale, les Bella sont parfois encore victimes d'esclavage au Mali et au Niger, sans qu'il existe de statistiques à ce sujet. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bella_(peuple)
  Les zarmas sont génériquement dénommé en Côte d’ivoire les zamlanhmlan. Les Zarmas sont une population d'Afrique de l'Ouest, vivant essentiellement au Niger – où ils représentent 28 % de la population –, et d'une façon minoritaire au Nigeria, au Bénin, au Ghana et au Burkina Faso. Ils font partie du groupe Songhaï. Leur organisation sociale est basée sur un système de transport des objets lourds par les femmes. https://fr.wikipedia.org/wiki/Zarmas
  Les Dioula sont situés dans le Nord de la Cote d’Ivoire. Avant la colonisation française,

  Adjamé est l’une des communes d’Abidjan, capitale économique de Côte d’Ivoire. Cette commune est l’espace central du commerce à outrance.
  Garba est l’inventeur de la recette alimentaire constituée de couscous de manioc fomenté communément appelé « attiéké » combiné au poisson thon fris. Devenu le plat national, le nom Garba a été attribué à cette recette en reconnaissance à son invention alimentaire. Le nom Garba est d’origine nigérien.

  Une chanson et une danse illustrant la pratique du zamou a été mise en œuvre par un artiste musicien ivoirien. Voir plus, cliquez sur   https://www.youtube.com/watch?v=iVt33FGjCgw
  Les dozo sont les chasseurs traditionnels.
  La philosophie première du coupé décalé était d’apporter la ‘’joie dans le cœur des ivoiriens’’ selon les paroles de la première chanson de Doug Saga. Mais une chose est certaine, c’est que Doug Saga a atterrie avec son mouvement musical dans la capitale du sud du pays vu la partition territorialisée. Le coupé décalé s’inscrit dans une logique patriotique du fait qu’il se glisse dans le moule de la logique du régime du sud. Comprendre plus, voir A Kamaté (2006) cité par Richard BANEGAS, Côte d’Ivoire : une guerre de la seconde indépendance, Refonder la coopération française sur les brisées du legs colonial. (Université Paris I). Ainsi ces pratiques cybercriminelles qui font vivre cette tendance musicale vont s’identifier à la logique anticolonialiste.

  «Il faut des circonstances très particulières pour qu’un prophète puisse faire reconnaître son autorité sans recourir à une authentification charismatique, c’est-à-dire magique.»M.Weber, Économie et société, op. cit., p. 465
  Une trajectoire tumultueuse marquée par
  Il remporte beaucoup de prix nationaux et continentaux.


19 Septembre 2016

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