La nouvelle alliance Congo-Rwanda marque la fin d'une guerre de douze ans
Par Jean-Philippe Rémy


Il avait fait trembler l'armée congolaise, s'était rêvé un destin de chef d'Etat. Laurent Nkunda, le chef rebelle congolais, a été arrêté par les autorités rwandaises et assigné à résidence dans la ville frontalière de Gisenyi, jeudi 22 janvier au soir. La plupart de ses hommes, au cours des semaines précédentes, avaient déjà fait défection à l'appel du pouvoir rwandais, indéfectible soutien jusqu'ici de sa rébellion tutsie, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Le lâchage de Nkunda est un événement inédit. Le pouvoir rwandais a constamment soutenu une rébellion "amie" en RDC depuis que s'est ouvert le cycle des guerres du Congo, en 1996. La dernière de ces rébellions vient d'être détruite en vol, revirement qui s'explique par un basculement d'alliances régionales.

La République démocratique du Congo et ses voisins

Les forces rwandaises, qui ont mené deux guerres meurtrières et destructrices au Congo (ex-Zaïre), y sont entrées pour la première fois à l'invitation du pouvoir de Kinshasa mardi. Ensemble, les armées du Congo et du Rwanda doivent s'attaquer aux bases arrière des rebelles hutus rwandais installés dans l'est congolais, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Depuis plus de dix ans, Kigali insistait pour que ces rebelles, qui menacent directement le Rwanda, soient neutralisés. Pendant des années, ils ont bénéficié du soutien direct de Kinshasa ou de sa complaisance. Des rebelles hutus ont porté l'uniforme congolais aux moments où l'armée nationale vacillait. Leurs combattants bénéficient d'une réputation d'ardeur au combat, fondée par les plus âgés d'entre eux, qui avaient pris part au génocide rwandais de 1994.

MENACES DE GUERRE RÉGIONALE


Pendant des années, rien n'a changé. Les rebelles hutus étaient trop utiles au Congo pour êtres chassés. Les rebelles tutsis étaient trop utiles à leur communauté et à l'influence rwandaise à l'est pour être arrêtés par leurs parrains. La population, elle, a enduré un martyre, en raison des exactions de tous ces groupes armés.

Pour en finir avec ce blocage, il a fallu la percée de Laurent Nkunda, fin 2008, menaçant d'entraîner une guerre régionale. A Kigali comme à Kinshasa, on a soupesé les risques de cet embrasement, et opté pour un renversement d'alliances destiné à sauver à fois la réputation et la stabilité des deux capitales. Un ennemi commun a été trouvé pour sceller cette union de circonstance, les FDLR. En dépit de leur discours "propre", anti-génocide, les chefs militaires hutus dans l'est congolais, espèrent encore revenir au Rwanda les armes à la main et "terminer le travail" d'extermination. Kigali se refuse à toute négociation avec leur mouvement.

Avec de forts encouragements internationaux (les Etats-Unis fournissent des écoutes électroniques destinées à localiser une liste de vingt responsables des FDLR considérés comme les plus extrémistes), le Rwanda et le Congo ont donc monté une opération conjointe contre les rebelles hutus, commencée mardi, qui devrait avoir aussi l'avantage d'être salutaire pour leur réputation.

En décembre, un rapport des Nations unies avait mis en évidence l'appui du Rwanda à la rébellion de Laurent Nkunda, tout en montrant l'étendue des trafics de ressources minières du Congo opérés par l'ensemble des groupes armés, à commencer par les forces gouvernementales congolaises. Kigali a rejeté avec force les conclusions de ce rapport. Mais deux bailleurs de fond parmi les plus fidèles du Rwanda ont jugé indispensables d'interrompre leur aide directe budgétaire, tandis qu'un troisième allié de Kigali, la Grande Bretagne, affirmait se poser des questions.


Janvier 2009

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