Après la guerre, gagner la paix
Avec Le Monde



Lundi 22 août, dans la matinée : les images de foule en liesse dans le centre de Tripoli, la capitale libyenne, sont autant de promesses pour l'avenir. Devant l'avancée de la rébellion armée, la chute de Mouammar Kadhafi, le tyran fantasque et sinistre au pouvoir depuis 1969, paraissait ne plus être qu'une question d'heures.

Après les révolutions démocratiques du printemps en Tunisie et en Egypte, les deux pays voisins, l'aspiration des Libyens à la liberté est en passe de l'emporter. On ne peut que s'en réjouir. Six mois après le soulèvement parti de Benghazi, dans l'est, les insurgés libyens ont réussi, après bien des rebondissements, à s'emparer de zones majeures de ce vaste pays – plus de deux fois la France –, avant de fondre sur la capitale.

L'intervention de la coalition internationale pilotée par l'OTAN et autorisée par l'ONU a joué un rôle central dans cette progression, spectaculaire depuis une semaine. Les unes après les autres, des localités stratégiques étaient conquises, au prix de combats parfois acharnés. La résistance de la poche de Misrata entrera sans doute dans la légende d'une guerre qui, avant d'être celle d'une insurrection aux débuts bien improvisés, aura été celle d'un dictateur contre son propre peuple.

C'est la victoire d'un effort international où la France et le Royaume-Uni ont occupé une place de premier rang. A la mi-mars, l'écrasement de la révolte de Benghazi a été empêché, in extremis, grâce aux avions français, puis aux tirs massifs de missiles Tomahawk américains.

L'intervention en Libye a été la première mise en œuvre par la communauté internationale de la "responsabilité de protéger", principe validé à l'ONU pour empêcher que se reproduisent des crimes de masse contre des civils comme ce fut le cas au Rwanda et en Bosnie dans les années 1990.

Parce que les valeurs démocratiques étaient en jeu, la France et le Royaume-Uni ont eu raison de ne jamais renoncer. Et cela, même quand la résistance inattendue des troupes loyalistes et l'amateurisme militaire de la rébellion faisaient craindre un enlisement. Les Etats-Unis auront agi plus en retrait, mais en fournissant des moyens essentiels (renseignement, ravitaillement, drones), sans lesquels l'opération aurait été encore plus aléatoire.

Une guerre semble gagnée. Reste, désormais, à gagner la paix. La Libye et ses 5 millions d'habitants émergent d'une guerre civile. Nul ne peut deviner le degré de jusqu'au-boutisme du Guide. Captive pendant des décennies des délires du chef de la "Grande Jamahiriya", la Libye part de zéro pour se doter d'institutions démocratiques, à l'inverse de l'Egypte et de la Tunisie.


Le Conseil national de transition, l'organe de l'opposition, devra faire la preuve de sa capacité à rassembler. Et à gérer la manne pétrolière, dans un contexte de forts clivages régionaux. L'unité et la stabilité du pays dépendent du respect des droits fondamentaux par la partie victorieuse. La responsabilité des Occidentaux est aussi d'y veiller.

Août 2011

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