Pour un financement innovant des infrastructures en Afrique

Par Serigne Ousmane BEYE et Mamadou Gaye





L’Afrique qui était considérée comme une périphérie dans l’économie mondiale, par rapport aux centres de décisions, particulièrement l’Europe, est en train d’être le centre d’intérêt de beaucoup de pays développés et émergents.


La rivalité croissante entre l’Europe, les BRICs et les Etats-Unis, pour faire des affaires sur le continent africain est révélatrice de cet intérêt grandissant. Cependant, pour un partenariat gagnant-gagnant (win-win), les décideurs politiques africains doivent créer les conditions optimales, sorte de réceptacle pour capter les financements qui sont disponibles sur le marché financier international. Hormis l’assainissement de l’environnement des affaires qui permet d’attirer les investisseurs, l’Afrique doit de plus en plus revoir son système éducatif et le réorienter beaucoup plus vers les filières scientifiques.



En effet, aussi bien pour un management stratégique que pour un management opérationnel, il faut des ressources humaines pétries de compétences en économétrie, en recherche opérationnelle, en statistique qu’en informatique. Pour mener à bien un projet, depuis la phase des études, jusqu’à la mise en œuvre, la maîtrise des techniques de planification, d’évaluation et d’ordonnancement est nécessaire pour sa réussite. Evidemment, ces techniques pour être réalisés, ont effectivement besoin de compétences issues des filières scientifiques. Cependant, les ressources humaines à elles seules ne suffisent pas pour la réalisation d’un projet. Il faut naturellement disposer de ressources financières. Mais, l’Afrique doit-t-elle toujours s’endetter pour financer son développement ? La réponse est bien sûr non. Les décideurs politiques africains doivent rechercher de nouvelles sources de financement innovant. Sur cette lancée, nous proposons deux modes de financement pour les infrastructures en Afrique et qui sont des opportunités légitimes à exploiter.

La contribution pour le financement des infrastructures en Afrique (CO.F.I.A.)

L’Afrique regorge de ressources naturelles en quantité et en qualité. Cependant, le continent, des indépendances à nos jours, n’en profite pas suffisamment.

L’Afrique exporte toujours ses ressources du sol, du sous-sol et halieutiques, sans avoir la possibilité de les transformer sur place avec la création de chaînes de valeurs, qui elles-mêmes sont génératrices de valeurs ajoutées, donc de richesses. Aujourd’hui, il est temps que les populations africaines bénéficient de ces ressources. L’union africaine peut par exemple initier une contribution que toutes les firmes qui bénéficient de l’exploitation de ses richesses verseront dans un compte ouvert dans les livres de la Banque Africaine de Développement (BAD). Cette contribution peut être considérée comme une « taxe souveraine » et qu’elle soit redevable annuellement, nonobstant les redevances à payer en contrepartie des autorisations d’exploitation minière.



Cette « taxe souveraine » en question sera appliquée sur toute exploitation de richesse qui a lieu sur le continent et concernera toutes les ressources sans exception. Toute cette manne collectée en termes de ressources financières permettra à l’Afrique, non seulement de financer ses investissements dans le cadre communautaire, mais ce sera aussi une opportunité pour la mise en place d’un fonds souverain au bénéfice des générations d’africains qui naîtront d’ici les cinquante prochaines années. La BAD en se chargeant de la gestion d’un tel fonds, sous la vigilance de mécanismes de contrôle à mettre en place, aura la liberté de le fructifier en faisant des placements sur le marché financier international, ou en octroyant des prêts aux pays africains qui le désirent et à un taux préférentiel. L’indépendance financière et/ou l’autosuffisance financière peuvent sembler utopiques, mais l’Afrique disposera au moins d’une certaine autonomie financière. Le continent africain a trop souffert de la spoliation de ses ressources naturelles. Alors, ce n’est donc pas exagéré d’instituer cette « taxe souveraine », d’autant plus que les africains n’ont jamais reçu de réparations pour tout ce qu’ils ont subi pendant la traite négrière et durant la colonisation.

Le compte d’opération domicilié au Trésor français



Un compte d’opération est ouvert dans les livres du Trésor français, où 50% des réserves de change venant de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de la Banque Centrale des Etats d’Afrique Centrale (BEAC) sont logés, en contrepartie d’une garantie de la convertibilité illimitée du franc CFA.

A ce jour, ces réserves sont estimées à un peu plus de 8.000 milliards de francs CFA,  soit environ, un peu plus de 12 milliards d’EUROS. Alors, à qui profite réellement cette manne financière ? Beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer la non-utilisation de ces fonds par les pays africains de la zone franc CFA. N’est-ce pas la France qui en profite ? Sans doute.  Au moment où l’Afrique est à la recherche de financement pour ses infrastructures, il semble pertinent de se souvenir de ce fonds qui appartient en vérité aux africains.

Une bonne partie de ces fonds doit être rapatriée afin d’être utilisée pour le  développement du continent. Le mode d’utilisation de ces fonds peut être discuté entre les autorités politiques habilitées. Les états africains membres de la zone franc peuvent accéder à ces ressources financières, soit en usant de prêts à des taux concessionnels, soit alors en demandant qu’une bonne partie de ces réserves soit utilisée comme moyen de garantie dans le cadre du partenariat public privé (PPP).



L’Afrique ne peut plus et ne doit plus être la vache à lait de quelque pays que ce soit. Les ressources naturelles du continent doivent bénéficier d’abord aux populations africaines. Une bonne partie des réserves déposées dans le compte d’opération doit revenir en Afrique pour servir au mieux être des africains. Les pays africains, particulièrement ceux de la zone franc, ne doivent plus s’accommoder de certaines survivances néocoloniales. Il est temps pour eux de couper le cordon ombilical qui les lie à l’ancienne puissance coloniale, afin d’accéder à une vraie indépendance économique. IL est temps d’accélérer l’intégration monétaire au niveau de la CEDEAO et battre une monnaie commune sous régionale. Les générations futures se chargeront de la monnaie unique africaine sur le plan continental.  

24 Juin 2014

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