Les Multinationales

Colloque à l'Assemblée Nationale
Paris, France
Mars 2005


Invités :

Walter Bouvais, journaliste
David Garcia, journaliste
Yannick Jadot, Greenpeace France
Eric Loiselet, Forum pour la responsabilité sociale des entreprises
Hamid Drici, secrétaire de l'Acme (association sur le contrôle mondial de l'eau)




Walter Bouvais,

commence par un exemple et cite la liste longue de toutes les entreprises qui ont contribué à notre matinée à notre insu. Le Livre n'est pas un pamphlet, mais un travail d'information. Etat des lieux, grâce aux informations que l'on trouve lorsque l'on cherche finement. L'enquête porte sur 50 multinationales.
Elles sont à priori tenues de rendre des comptes. Elles opèrent dans des domaines très différents. La directive REACH, européenne, est censée faire en sorte que les fabricants de produits chimiques aient l'obligation d'analyser les produits qu'ils mettent sur le marché. Identifier les risques de maladies. Cette directive, véritable enjeu de santé publique, a été battue en brêche par un énorme travail de lobbying.

30000 produits étaient concernés. 20000 furent retirés de la liste par lobbying. Les coûts des études n'étaient pas acceptés par ces entreprises. Au final, cette directive est quasiment vidée de sa substance. Le coût de 600 millions d'euros pour les entreprises serait de 20 à 30 Milliards s'il était pris en charge par la collectivité. Le risque est reporté sur la société civile. 20 à 80000 cancers à prévoir sur les 20 ans à venir. L'amiante, c'est 1,2 Milliard si on luttait contre elle à l'échelle européenne.

Une nécessaire régulation

Une directive CACAO a été votée, pour réduire la part de cacao dans le chocolat. Les cours se sont effondrés.

Le protocole de Kyoto a vu Exxon Mobile (ESSO) a obtenu que les Etats Unis reviennent sur leur engagement de signer le protocole, alors que les USA sont à l'origine de 25% des émissions mondiales (une spice girl et James Brown ont signé la pétition...).

Un focus est rarement mis sur ces éléments. Il a donc été utile de constater la situation, d'attendre la réaction du public, et éventuellement d'agir.

Derrière le glamour, il y a des choses qui sont moins avouables. Une légitimité des citoyens a obtenir de ces entreprises des comptes.

David Garcia,


rappelle l'histoire de l'United Fruit, (chiquita banana), qui commanditait des coups d'états. Les citoyens avaient l'impression de ne pas pouvoir empêcher les dérives. Les années 80 marquent un tournant avec Bophal et l'Union Carbide qui provoque 20000 morts. Le refus de la multinationale d'assumer sa responsabilité a d'autant plus choqué. DOW refuse toujours de payer.

L'idée qu'il fallait des contre-pouvoirs est née à ce moment. GreenPeace, etc, des campagnes, des mobilisations se sont déclenchées. En 1997, NIKE avait été retirée des classements éthiques. NIKE a donc décidé de reconnaître ses tords. Global Alliance a été fondée qui doit évaluer la situation de ses salariés. GAP a fait la même chose après nombre d'agissements douteux. Des postes de conseillers éthiques ont été créés. Ils sont 90. Des sortes d'inspecteurs du travail. Ce qui a changé, c'est que certaines multinationales joignent le geste à la parole, sous les coups de contrôles externes, d'associations ou de syndicats, ou d'agences de notation.

La voie judiciaire peut être utilisée. NIKE en a fait les frais en 1999. Sur l'île de Saïpan pour 18 multinationales du textile. 20 millions de dollars de dédommagement. Mac Donald vient d'être condamné pour le Mac Libel, qui a eu lieu il y a plus de 10 ans. La cour européenne des droits de l'homme a condamné MacDonald. La cour d'appel de NYC a fait la même chose pour deux adolescents obèses à force de hamburgers pour défaut d'information. Une Cheese Burger Bill a même été édictée pour éviter les poursuites.

En France, une loi avait été passée contre les distributeurs de boissons et barres au chocolat dans les écoles. On est revenus sur le texte. L'interdiction a été commuée en contrôle simple.

Dans le cadre du contrôle par les citoyens, un mouvement contre COCA COLA est né dans le Kérala en Inde, non soumises au régime des castes, ont protesté contre l'usage des ressources d'eau par les usines du sodatier. Le mouvement s'est étendu à tout le pays, incluant PEPSI.




Aux Etats-Unis, les citoyens commencent également à agir. WALMART, première entreprise mondiale en chiffre d'affaire (256 milliards de CA, plus que le PIB de la Belgique). L'influence est telle qu'on parle de Walmartisation de l'économie. L'entreprise est capable de jouer sur l'inflation par sa politique de prix, et elle joue sur le coût du travail, ses salariés étant très mal payés. On a parlé de dumping social. Les consommateurs se sont associés aux syndicats, les implémentations éliminant toutes les autres activités. A Inglewood, CA, devant la pression populaire, un référendum a été organisé qui a accouché d'un non à Walmart.

Il n'y a pas de référendum d'initiative populaire en France. Peut être une refonte des institutions peut être envisagée en France.

Eric Loiselet,

cite Patrick Arthus qui écrit dans libération de ec jour que face aux profits à vide, le capitalisme n'avait plus de sens et avait fait la preuve de son échec.

Des Profits qui s'accroissent. Des populations de plus en plus démunies...

Le secrétariat au développement durable avait publié un texte pour maintenir des dispositions auxquelles tenait le gouvernement. Les multinationales luttent contre toutes formes de résistances citoyennes à l'exercice de leur influence, et contre toutes législations non favorables à la réalisation de leurs profits.

Dans RSE, responsabilité sociale des entreprise, il y a un S qui suppose que cette question ne peut être laissée aux entreprises. Utopie nécessaire du contrôle démocratique des très grandes entreprises. Le forum citoyen pour la RSE, c'est la CGT, la CFDT, GreenPeace, CRID, CCFD, entre autres...

Sans information sur les pratiques des entreprises, aucune action n'est possible. La médiatisation est essentielle. Les agences de notation ne fournissent bien souvent leurs informations qu'à leur clients. La NRE, nouvelle réglementation économique établit des catalogues sur l'impact, social, environnemental et économique des activités entrepreneuriales. Nous allons disposer de trois années de données sur le sujet. Quelques entreprises sont exemplaires mais la grande majorité des entreprises ne se sont pas préoccupées de se mettre en conformité avec la loi.




Cela relève d'une processus de négociation avec les salariés, il faut qu'il y ait un passage devant les instances salariales. Modalités pour associer les ONG avec les concertations dans l'élaboration de rapports annuels de gestion.

Des lobbys ont tenté d'avoir la peau de ce décret NRE (MEDEF, etc). Le forum demande qu'il y ait une veille par des équipes de compétences universitaires pour que des publications soient établies. 700 entreprises françaises sont concernées.

Nous avons sollicité certaines entreprises pour savoir comment elles envisageaient de faire évoluer ce reporting. Soucis d'interpeller les entreprises. Leur réputation est un enjeu fondamental. Leur image dans le public est un bien auquel elles tiennent et qui offre un levier de travail.

Mieux Contrôler les entreprises

Réfléchir à l'établissement d'un cadre légal et des normes contraignantes en matière de respect des droits humains. L'UNESCO et d'autres organisations, droits de l'Homme des Nations Unies veulent créer une base juridique universelle pouvant être invoqué devant les tribunaux en termes de droits humains ou sociaux. Des violations répétées existent. Bannir les crimes et délits économiques. La France est sollicitée pour soutenir e projet de norme. Le MEDEF y voit un risque conter la concurrence et tente d'infléchir la décision du gouvernement. Ces nouveaux cadres légaux qui réduiraient la sauvagerie de certaines pratiques est pourtant une nécessité. RENAULT, RHODIA, EDF ont signé des conventions internationales en la matière et c'est là un point particulièrement encourageant.

Les Amis de la Terre se heurtent néanmoins à EDF pour un barrage au Laos.

Yannick Jadot, précise que GreenPeace est membre du Forum de la RSE. Il commence par un quiz qui révèle la contradiction des discours mis en avant par les entreprises. Total et Monsanto France sont cités pour leur "soucis" environnementaux et sociétaux. Le site d'Exxon est très différent.

Sur la question de la responsabilité sociale et environnementale, la conférence mondiale de Stockholm avait avec les travaux du club de Rome avait mis en place le concept d'éco-développement. En 92, à Rio, on est passé au développement durable. La question est de maintenir un capital économique et environnemental. Le paradigme a donc changé. Depuis, un évolution s'est produite qui a vu le marché se voir déléguer la charge de garantir les biens publics. La place de l'état est pensée à travers le prisme du marché. L'économie n'est même pas au cœur, c'est le marché et même l'entreprise qui est au cœur. On recule en terme de garanties démocratiques concernant les choix de société.
A Johannesbourg, on ne parlait plus de communauté es états agissante mais de partenariats public-privé au service d'une intervention. Personne ne croit au libre-échange. Chacun essaye d'accroître ses bénéfices. L'agenda de l'OMC est dicté par les multinationales, notamment en ce qui concerne l'accès aux médicaments génériques.

L'Accord sur l'investissement veut favoriser l'action de prise de pouvoir des entreprises dans le tiers monde. REACH, est un autre exemple. Total est un des principaux lobbyistes qui sont contre. Les chimiquiers posent un problème d'irresponsabilité, tandis que les parfumeurs sont directement dépendants des consommateurs.
Les efforts des entreprises citoyennes sont noyés par les déprédation de celles qui se comportent mal.

Définir l'Agenda Mondial


Quelles sont les pistes de travail ?

Recréer un rapport de force social avec les entreprises. Les écologistes ont-ils gagné à l'affaiblissement des rapports sociaux dans les entreprises. le message est en tout cas beaucoup plus audible.

Il y a donc une nécessité de rétablir le rapport de force grâce aux personnes qui sont à l'intérieur. Droit du travail, santé au travail, conventions collectives, comités d'entreprises. Un travail sur les consommateurs est également nécessaire. L'image est un levier puissant. LAPEYRE, CARREFOUR ont suivi ce besoin des consommateurs. Mais le cadre réglementaire est en train de s'effriter, notamment sur les OGM, avec l'action de la commission européenne, mais ce sont les états qui dictent son action. Il est difficile de juger DOW en dehors de l'Inde... Johannesbourg avait mentionné la nécessité d'un cadre mais le renversement démocratique sur la nécessité de contrôler les entreprises n'a pas encore eu lieu.

Les industriels veulent jouer la chimie verte...

Hamid Drici

Le drame de la privatisation de l'eau


3 milliards d'hommes et de femmes manquent d'eau, 3000 personnes meurent chaque jour des suites de problèmes liés à l'ingestion d'eaux usées.

Nous avons en France des acteurs prépondérants avec Vivendi, par exemple. Acme existe un peu partout et cherche à fédérer ces mouvement. L'ONU s'appuie sur le rapport Camdessus pour définir une politique de l'eau à l'échelle internationale, malgré le gigantesque discrédit dont il fait l'objet suite à ses politiques rigides et catastrophiques au FMI.

Messier a fait transferer les provisions pour les infrastructures de Vivendi environnement (45 Milliards de francs) pour créer VU.

Les associations commencent à se constituer, à se structurer, Vivendi et la Lyonnaise ont 80% du marché français, quand les autres ont environ 15% au plus à l'étranger. Les réactions commencent à être hostiles comme en Bolivie.



La nouvelle décennie 2005-2015 est de réduire de moitié seulement les gens qui n'ont pas accès à l'eau, alors que l'ambition précédente était que tous aient accès à l'eau. Beaucoup de lobbystes sont présents dans les réunions spécialisées. Présence de 10% pour un financement des usagers de 80%. La loi pollueur-payeur est aux oubliettes.

Danone a signé avec la SAGEP (eau de Paris) pour puiser dans les nappes phréatiques de Paris. Coca Cola, pareil. Schweepes, idem près d'Avignon. Ce n'est pas une marchandise comme les autres. On ne peut laisser les multinationales puiser gratuitement de l'eau sans participation citoyenne aux coûts d'équipement des communautés où ont lieu ces prélèvements.

Questions :


Comment un état peut-il se battre avec une multinationale qui a un budget supérieur au sien ?
Un budget pèse contre un chiffre d'affaire. NOKIA a été contraint de retirer des substances chimiques dans ses métaux lourds. Le pouvoir de l'argent compte. Mais un état, c'est une nation, c'est la démocratie. Ce n'est pas une question de budget. Un rapport de force. L'état, effectivement, est parfois désarmé face à des multinationales surpuissantes. Les enjeux sociétaux sont plus forts. Si les entreprises se comportent mal, leur situation peut s'effondrer comme ENRON ou ARTHUR ANDERSEN.

La dépense de médicaments par an en France, c'est 14 milliards. Les multinationales ont immédiatement réagi en menaçant les politiques de licencier des emplois à forte valeur ajoutée...

NESTLE avait menacé l'Ethiopie de représailles, suite à des nationalisations. 6 millions de dollars, c'était énorme, pour un pays comme l'Ethiopie. Des multinationales tentent de dicter leur loi à des états. Si on arrive pas à une réglementation européenne, mondiale à terme, on ne pourra pas lutter.
Les états ne sont impuissants que parce que les politiques démissionnent ou manquent de stimulations face aux multinationales.

Il est possible d'interpeller les pouvoirs publics. Les injonctions paradoxales des entreprises qui stigmatisent les bureaucraties et demandent des casses des réglementations et les délocalisations fiscales. L'état a beaucoup plus de moyens qu'on ne le laisse entendre aujourd'hui.Les délocalisations fiscales
Colgate menace de délocaliser son siège social en suisse (6%) contre 33% en France. Ils partent avec leur siège pour ne pas laisser leur bénéfices à l'imposition nationale, mais les entreprises restent en France. Tous les moyens sont bons pour courtiser les actionnaires. Henkel en est à son 30ème plan social, ce qui plaît aux marchés. Les taux de profits demandés sont tels que tout est fait pour organiser des réductions de coût. L'OREAL est menacé. COLGATE PALMOLIVE ne paie plus d'impôts en France et est allé en Suisse. UNILEVER part. 1400 sociétés sont concernées. Perte sèche pour la France. Cet argent ne pouvant retourner aux états unis, ils font des appels de fond aux USA pour restructurer en Europe. Les contribuables français ou européens financent les licenciements. Cela aura des conséquences en terme d'emploi. Il y aura une détection informatique qui éliminera des salariés en fonction des critères établis. Les conventions sont inopérantes. Le droit du travail est tourné.

COLGATE représente 2 à 3 euros par Français et ce n'est rien à côté d'UNILEVER, et des autres (HP, ce sera environ 10 euros). Les impôts risquent d'exploser. Ce sont des plans d'économie et plus des plans de restructuration. Ils durent 4 ans et vous ne savez pas si vous allez être gardés. Plus aucune visibilité sur l'avenir des entreprises, jusqu'au jour où on s'aperçoit qu'il n'y a plus d'argent. Malgré les anticipations des syndicats, on ne peut rien savoir. On risque 300 licenciements sur COLGATE france / COLGATE MONDE. Le seul capital c'est la marque selon les entreprises. 3 lignes pour les salariés contre deux pages et demie pour les actionnaires. Ce sont des retraités (US), à travers les fonds de pension qui licencient les actifs...
On marche sur la tête !

C'est un vrai problème de société...

Il y a aussi l'évasion fiscale (exemple de BNP PARIBAS dans le DELAWARE) dans des paradis fiscaux. Les sites locaux sont des sociétés indépendantes et vont sur des sites étrangers pour les impôts. 65% de marge nette visée... Cela génère des profits énormes mais le système s'est emballé.

L'aide aux pays du sud. Comment ? Les délocalisations ne sont pas une vraie réponses en termes de développement. Les quotas sont levés, comme au Cambodge qui perd ses emplois face à la Chine. Cabotage économique. Pays de l'Est. Exemple de l'XBox de Microsoft en Roumanie, puis en Chine.

IL FAUT DONC INSTAURER DES NORMES MONDIALES. Peut être des syndicats ou des communautés d'action mondiales....

Il y aura peut être 100000 morts dues à l'amiante en France d'ici 2010.
Les critères environnementaux et sociaux vont en fait de pair. Les opposer est une stratégie qu'emploient les entreprises pour diviser les acteurs de ces domaines (si vous nous empêchez de polluer, on délocalise)...

Ceci est faux.

Les militants sociaux et environnementaux doivent se rejoindre.
Exemple des cimetières d'ordinateurs en Chine, sans normes de recyclage. Les réglementations doivent être obtenues en Europe, pour qu'elles soient imposées aux entreprises chinoises qui font du commerce avec elle. Il faut progresser.
Conclusions :

Yannick Jadot cite l'exemple de la chair à rayon, ces emplois précaires du nucléaire où les salariés sont exposés à des produits toxiques ou à des rayonnements nucléaire par cycles de quinze jours équivalents aux maxima annuels. Il s'agit de sortir les problèmes des services de communication des entreprises pour en faire des enjeux de société.

Eric Loiselet se réjouit de la parution du livre sur les multinationales et suggère de le réactualiser chaque année, et de peut être envisager que ses données soient publiées sur un site dédié.

Hamid Drici préconise que l'on puisse joindre tous les dirigeants des grands groupes pour les apostropher ou les prendre à témoin concernant la nature de l'activité de leurs sociétés.
Walter Bouvais fait remarquer que beaucoup des gens cités dans le livre ont été invité au colloque et qu'ils ont tous décliné l'offre.

David Garcia préfère finir sur une belle histoire avec l'exemple de FALCON BRIDGE, une société canadienne du nickel, qui s'est installée en Nouvelle Calédonie, après la signature des accords de Nouméa. Les autorités Kanaks autonomes ont créé avec elle une co-entreprise dont elles détiennent 51% des parts et à laquelle elles ont imposé un cahier des charges particulièrement strict et très contraignant en matière environnementale, notamment en ce qui concerne les déchets. Elles ont obtenu que des salaires importants soient payés sur le territoire de l'île.

C'est un exemple d'application réussie du principe de développement durable qui doit nous encourager...

Délocalisations et emploi : Du diagnostic à l'Action
Colloque à l'Assemblée Nationale
Paris, France
Décembre 2004


Les socialistes du PSE fixent le programme d'une Europe sociale

Europe et Délocalisations : Agir est Possible

Dernière : Pascal Lamy dans la course au poste de directeur général de l'OMC

 
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