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Europe reloaded!
Par Gilles Marchand - Informations sans Frontières - Octobre 2022 - 25/10/2022 (MIS À JOUR à 14:00)

L’agression russe du 24 février contre Kiev a été si subite, et l’alliance mondiale de régimes autoritaires qui s’est métabolisée dans le rejet des valeurs démocratiques et d’un certain style de vie si visible, qu’elles ont poussé l’Europe à une révolution copernicienne. Beaucoup de dangers affrontés qui ont été couronnés d’avancées décisives.

2022 est une année importante pour l’Europe. Elle est toujours en cours avec les bouleversements qu’elle provoque, mais si elle a débuté avec l’invasion de l’Ukraine, fin février, elle a parallèlement vu se dérouler une cascade d’événements marquants. Le récit de la guerre, quotidienne, télévisée, retranscrite sur les réseaux sociaux, a oblitéré certains de ses principaux tournants. La Russie qui faisait figure d’ogre militaire, a graduellement perdu de sa superbe et la guerre a lentement révélé ses failles et ses faiblesses. Le fait que les informations qui alimentaient la réflexion stratégique de Vladimir Poutine, se soient avérées en grande partie inexactes, a heureusement faussé ses analyses et affaibli son efficacité, puis son autorité. Une foule de répercussions se sont produites qui ont fait que des renversements stratégiques se sont opérés. Les enjeux se sont très rapidement déplacés.

Peu à peu une confrontation de valeurs s’est creusée entre les tenants de formes de pouvoir autoritaires, qui se maintiennent quitte à oppresser des peuples que l’on mâterait perpétuellement, pour leur empêcher de donner suite à toute velléité de libération, et les démocraties dans le monde. Mais les peuples ne sont pas des corps singulier, uniques, entiers et unanimement cohérents, ce sont des accumulations géantes d’individus, qui pensent par eux mêmes, et qui malgré le respect imposé des règles, peuvent tous avoir une perception changeante de leur situation, surtout si celle-ci évolue dans un sens favorable sur le plan des libertés. Or les changements qui sont actuellement à l’œuvre discréditent les dictateurs, malgré la terreur qu’ils peuvent faire régner à l’intérieur de leurs frontières et les accusations qu’ils émettent envers les pays occidentaux, aussi fauteurs de guerre qu’ils peuvent eux-mêmes l’être. Mais les pays occidentaux, notamment, et les états démocratiques, s’appuient sur des structures juridiques qui laissent une large place à la liberté individuelle. Les états de droit sont sous tendus par des structures, la liberté de la presse, celle du commerce, le droit d’association, de grève, de contestation, de conscience, celui des femmes, et des enfants, etc. Toute une litanie de protections et de possibilités qui sont plus rares et dangereuses dans les régimes autoritaires. C’est pourquoi le sens de l’histoire ira en favorisant à terme les démocraties car si elles paraissent plus fragiles, sont en réalité plus solides et puissantes qu’elles n’en ont l’air. Les hausses de prix, le renchérissement des denrées ne sont pas des fatalités. L’emploi de l’arme du gaz et du pétrole vont précipiter l’Europe dans un nouveau régime énergétique, multi-sourcé, moins polluant et plus moderne.




L’Europe s’est, en réalité, renforcée sous la férule de Poutine. Les bruits de bottes qui se sont fait entendre à ses frontières et l’absence de retenue de l’armée russe, ont définitivement disqualifié une puissance qui s’est affirmée comme malfaisante, sournoise, et insincère, menant des actions d’état terroristes contre des civils désarmés. L’Europe s’est unie contre cette menace même si sont nombreux en son sein les agents directement ou pas qui sont financés par la Russie, cherchant ouvertement à instiller le chaos et à renier ses valeurs fondamentales. Les forces centrifuges se sont calmées. Même la Hongrie a compris qu’elle devait être plus solidaire. Le Brexit est apparu comme ce qu’il était : une catastrophe économique pour l’Angleterre. La Pologne s’est concentrée sur sa politique étrangère. Elle s’est rendue compte qu’elle faisait peut être fausse route. Que ses processus décisionnels étaient trop lents, insuffisamment intégrés, et souvent ineffectifs. Elle a changé de doctrine. L’Allemagne a consenti un effort militaire historique. Les commissaires européens sont devenus plus puissants. Des budgets plus importants ont été votés. Des réactions efficaces contre la pandémie, notamment pour les vaccins. Des mutualisations destinées au redécollage économique. Des réunions du conseil plus décisives. La constitution à Prague d’une Europe plus politique et plus fédérale. Et surtout un monitoring militaire inédit contre l’agression russe. Cette aide consentie à l’Ukraine, avec l’appui exemplaire, indéniable et méritoire des États-Unis, appuyant la renaissance de l’OTAN, l’adhésion de deux nouveaux états, Suède et Finlande, et armant l’Ukraine de manière moderne et efficace, a été un tournant. Les Etats-Unis ont ici montré leur meilleur visage. Ils ont créé la force rebelle destinée à repousser l’ennemi russe. Un front avancé et une armée puissante, susceptible de se battre pour les valeurs que nous avons en commun. Il est fondamental que ce soutien se maintienne.

Le fait que les ukrainiens prennent le dessus militairement, que la mobilisation générale russe s’avère être catastrophique, que des manquements abyssaux apparaissent dans l’intendance et le commandement russe, malgré des tentatives quasi désespérées de saboter les infrastructures électriques et les réseaux d’eau du pays. Une campagne qui ressemble de plus en plus à celle d’Hitler sur Londres en 1944 avec l’emploi de V1 et de V2 pour terroriser les populations. La capacité de nuisance russe n’est pas éteinte, mais elle peut désormais être contingentée. Entre temps, l’affaiblissement stratégique de l’armée russe a fait basculer l’Asie Mineure. La Chine y devient prépondérante et les anciennes républiques soviétiques s’affranchissent de leur ancien maître quand elles ne sont pas courtisées par la Turquie qui poursuit ses rêves de restauration de l’empire ottoman malgré des difficultés internes qui l’empêcheront d’accomplir facilement un tel dessein. La Chine qui lorgne toujours sur Taiwan s’aperçoit qu’une campagne militaire peut parfois réserver de mauvaises surprises et fragiliser un pouvoir autocratique. Elle a un intérêt vital à ce que le commerce mondial puisse être pratiqué sans encombres, d’où la constitution d’équilibres dans la zone indo pacifique.

Rien n’est automatique mais on devine d’ores et déjà une partie de la suite à donner à cette aventure. Les russes escaladent toutes les barrières de l’indignité, mais cette course absurde a des limites. Il va bien falloir à un moment qu’ils se réconcilient avec eux mêmes. Qu’ils reviennent à une forme de respect du dialogue international. Nécessairement. Avec et surtout sans Poutine qui tient un pays et une partie de l’Humanité qu’il affame en prétendant l’inverse, sous son emprise. Cette séquence ouvrira un nouveau monde. Peut être inspiré d’une vision malthusienne de l’Histoire, ce qui est à proscrire tant ces théorie dangereuses favorisent le crime à large échelle. Mais quel que soit le résultat de cette entreprise hasardeuse, elle aura modifié l’ordre mondial de façon accélérée, et durablement pollué les relations internationales, sinon la planète elle même tant une guerre peut modifier les équilibres écologiques de manière profonde. Elle aura provoqué des malheurs insondables et la mort de dizaines de milliers de personnes, détruit des villes, brûlé des récoltes et rasé des millions de maisons. Elle aura inauguré une période néfaste, particulièrement brutale des relations internationales, celle d’une accumulation de catastrophes, de comportements violents, inacceptables, qui nous ont éloignés de notre humanité. Il est temps que les hommes et les femmes d’aujourd’hui retrouvent en eux cet espoir, et la détermination inébranlable des constructeurs de nouveaux mondes. Du nôtre, en particulier.


25 Octobre 2022

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