« La filière hydrogène est mature, c'est le moment de changer d'échelle »
Par Les Echos - Julie Le Bolzer Le 24/04 à 09:35 - Mis à jour le 27/04 à 09:20

Les dirigeants de l'Afhypac estiment que l'hydrogène vert apporte une solution efficace aux enjeux de la transition énergétique. Il pourrait représenter 18 % de la consommation d'énergie en 2050.

L'association française pour l'hydrogène et les piles à combustibles (Afhypac) fédère les acteurs de la filière (entreprises, collectivités, centres de recherche...) et milite pour accélérer le déploiement des solutions utilisant l'hydrogène vert. Ses dirigeants, Philippe Boucly et Fabio Ferrari, observent depuis peu une forte dynamique d'adhésion, aussi bien de la part des grands groupes que des PME.

En quoi consiste l'hydrogène vert ?
Philippe Boucly : L'hydrogène vert est obtenu par l'électrolyse de l'eau avec de l'électricité renouvelable ou par le reformage du biogaz issu du traitement de déchets ou de la biomasse. Ses atouts sont multiples : apporter la flexibilité aux réseaux énergétiques, assurer le stockage massif des surplus d'électricité solaire et éolienne, réduire la dépendance aux importations d'énergies fossiles, « décarboner » les transports et l'industrie... Il coche toutes les cases et sa filière est mature, c'est le moment de changer d'échelle.

Fabio Ferrari (1) : La production d'hydrogène décarboné et le développement de son premier marché, la mobilité, répondent concomitamment à quatre enjeux majeurs : la lutte contre le réchauffement climatique (les véhicules électriques hydrogène sont zéro émission), l'amélioration de la qualité de l'air, le développement des énergies renouvelables et la dynamisation des territoires grâce à la création d'écosystèmes hydrogène locaux créateurs de valeur et d'emplois. Le développement de la filière, qui va au-delà de la seule problématique du transport et de la mobilité, va créer ce type de cercle vertueux.
Qui utilise l'hydrogène aujourd'hui ?
P. B. : Dans tous les types de transports, de nombreuses initiatives naissent partout en France. Aujourd'hui, 250 véhicules professionnels roulent à l'hydrogène, c'est la plus importante flotte d'Europe. Les pompiers de Saint-Lô, dans la Manche, roulent à l'hydrogène. La ville de Pau est en train de se doter de bus fonctionnant à l'hydrogène.  Les 70 taxis parisiens Hype, de la société Step, utilisent également l'hydrogène. A Nantes, les navettes fluviales Navhybus sont dotées d'un système de propulsion à hydrogène et de piles à combustible  développées par la société Symbio. Alstom a développé des rames de train à hydrogène. Enfin, des vélos à hydrogène sont en circulation dans différents départements.

F. F. : La filière a donné la priorité aux véhicules professionnels - taxis, véhicules utilitaires et de service, camionnettes - pour deux raisons : la première est la nécessité d'apporter une réponse à tous ceux qui doivent circuler en ville dans le cadre de leur travail, et qui sont de plus en plus contraints par les mesures de restriction d'accès aux centre-villes. Ces professionnels sont, à notre sens, les plus grandes victimes du diesel. Deuxième raison : les cibler permet de commencer à déployer immédiatement l'infrastructure de stations de recharge et les véhicules hydrogène, donc de sortir du « dilemme de l'oeuf ou la poule » entre constructeurs de véhicules et fabricants de stations. Cette stratégie a permis d'initier les premiers déploiements - on compte une vingtaine de stations en France - dont les régions prennent aujourd'hui le relais (20 stations sont prévues en  Auvergne-Rhône Alpes d'ici à 2020, 15 en Normandie, etc.). Le grand public, lui, sera touché par l'hydrogène lorsque l'ensemble du territoire sera maillé, certainement à horizon 2025-2030, avec environ 400 stations de recharge prévues.

L'hydrogène coûte-t-il plus cher que d'autres solutions?
P. B. : Les nombreux projets dans les territoires et les différents démonstrateurs mettent en évidence que les technologies sont là et qu'elles sont matures. Pour l'instant, ces technologies restent onéreuses. Il faut évidemment poursuivre les travaux de recherche et de développement, mais, à l'instar d'autres technologies émergentes, la baisse des coûts viendra indéniablement des grandes séries.

F. F. : En matière de mobilité, nous sommes très proches des coûts du diesel, avec environ 7 euros pour 100 km, contre 6 euros pour le diesel. L'utilisation de véhicules hybrides batterie-hydrogène permet de rouler dès aujourd'hui moins cher, à environ 6 euros pour 100 km, la recharge en électrique, moins chère, permettant de « compenser » celle en hydrogène. A terme, le déploiement de la mobilité hydrogène permettra d'abaisser encore les coûts globaux.

Que pourrait représenter l'hydrogène d'ici à quelques années ?
P. B. : A l'horizon 2050, l'hydrogène vert pourrait représenter 18 % de la consommation finale d'énergie dans le monde. Cela permettrait de réduire les émissions annuelles de CO2 d'environ 6 milliards de tonnes, ce qui constitue 20 % de l'effort nécessaire pour limiter le réchauffement à 2°C. En outre, pour un certain nombre d'industriels, l'hydrogène est réellement une opportunité pour se réinventer, et donc pour sauvegarder l'emploi. Toujours à l'horizon 2050, ce sont plusieurs centaines de milliers d'emplois qui pourraient être concernés.
F. F. : En matière de mobilité, plusieurs centaines de milliers de véhicules devraient circuler d'ici à 2025, avec une majorité de véhicules utilitaires.

(1) Fabio Ferrari est directeur général de Symbio, qui conçoit, produit et installe des kits de piles à hydrogène.
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29 Avril 2018

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