Les cimentiers travaillent à la mise au point d'un "béton vert"
Par Christiane Galus


La construction mondiale est avide de béton, dont elle consomme plus de vingt milliards de tonnes par an. Un chiffre qui est appelé à augmenter sous la pression des pays émergents. Or le béton est source de pollution, à cause du ciment qui le compose et qui sert à lier le sable et les granulats. Ce matériau est responsable de 5 à 7 % des émissions de gaz carbonique d'origine industrielle, lesquelles représentent un tiers des émissions d'origine humaines.

La Chine, qui est devenue en 2006 le premier pays émetteur de CO2 du monde et qui construit la moitié des bâtiments de la planète, utilise 43 % du ciment mondial (sur une production totale de 2,5 milliards de tonnes). Son ministre de la construction a annoncé, fin février, son intention de rendre l'industrie du bâtiment plus "verte", en remplaçant notamment les vieilles cimenteries polluantes par des usines performantes. Et Pékin organise fin mars une exposition sur la "construction verte" où sont attendus les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.

 

Le ciment concourt à environ 2% des émissions mondiales de CO2.

Depuis de nombreuses années, cimentiers et centres de recherche travaillent à l'élaboration d'un béton "vert", émettant peu de CO2 et doté de performances accrues. En France, le Laboratoire central des Ponts et chaussées (LCPC) étudie les bétons, entre autres pour " voir jusqu'où il est possible de diminuer la quantité de ciment utilisée pour un mètre cube de béton, sachant qu'aujourd'hui elle est couramment de 300 kg", explique Nicolas Roussel (division béton et composés cimentaires). "On peut imaginer la diviser par deux, voire par trois en améliorant notre maîtrise scientifique des matériaux", selon lui. Mais il y a beaucoup de difficultés techniques à régler, car si on met moins de ciment, la vitesse de prise est plus longue.

De leur côté, pour satisfaire au protocole de Kyoto, "les cimentiers occidentaux ont déjà réalisé de gros efforts pour diminuer la production de CO2", ajoute M. Roussel. Le groupe français Lafarge, premier fabricant mondial de ciment, qui a produit 136 millions de tonnes de ce matériau en 2007 et qui possède 20 cimenteries ultramodernes en Chine, s'est engagé à diminuer de 20 % la quantité de CO2 émise par tonne de ciment entre 1990 et 2010. "A la fin de 2007, nous en sommes à - 16 %, et nous devrions atteindre nos objectifs", explique Jacques Lukasik, directeur scientifique du groupe. Cet effort a permis d'économiser 100 kg de CO2 par tonne de ciment, et 14 millions de tonnes de CO2 au total, soit l'équivalent de ce qu'émet Paris en un an.

Cette avancée a été permise, chez Lafarge comme chez d'autres cimentiers, en diminuant la part des combustibles fossiles utilisés pour chauffer les énormes fours de 150 m de long et de 6 m de diamètre dans lesquels est cuit le ciment. Différents déchets industriels ou agricoles ont ainsi été adjoints aux combustibles : huiles usagées, solvants, pneus usés broyés, plastiques, coques des noix des palmiers à huile en Malaisie, coques de café en Ouganda, enveloppe des grains de riz aux Philippines et aussi farines animales.

L'autre moyen d'action de Lafarge a consisté à intervenir dans la fabrication du ciment lui-même, qui résulte d'une combustion à 1 450 oC de carbonate de calcium, de silice, d'alumine et de minerai de fer que l'on trouve dans la roche calcaire et les argiles. Le cimentier a introduit des matériaux qui se substituent en partie au calcaire et à l'argile, et qui permettent de brûler certains déchets tels les cendres volantes provenant des centrales thermiques ou les laitiers issus de la fabrication de la fonte, et qui sont réduits en granules. Ou encore des roches volcaniques telles les pouzzolanes.

Le béton a beaucoup évolué et "a fait d'énormes progrès depuis vingt-cinq ans, grâce à la recherche scientifique, menée aujourd'hui à l'échelle nanométrique", précise M. Lukasik. Les travaux effectués dans le centre de recherche du groupe, près de Lyon, ont, par exemple, permis la naissance du Ductal (marque déposée), qui contient du ciment, du quartz broyé et des fibres d'acier d'un diamètre de 120 microns.

Un pont en Ductal permet ainsi d'économiser 35 % de matière première, 46 % d'énergie et 53 % de CO2 par rapport à un pont classique.

Une autre voie explorée pour diminuer les émissions de CO2 consiste à réutiliser les bétons provenant d'anciens bâtiments en les transformant en granulats de béton concassé. Ce procédé est déjà bien développé dans l'Europe du Nord et au Japon. En France, il commence à être utilisé et fait l'objet de recherches au LCPC. "Il pourrait y avoir chez nous dans vingt ans un pic de recyclage des bétons provenant des nombreuses constructions des années 1960 et 1970", explique Nicolas Roussel. Car "la France est historiquement un gros consommateur de béton et, de ce fait, un leader technique et scientifique dans ce domaine".


Mai 2007


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