Sept.
2014

L'actualité du Mois



Restart Europe
Par
Gilles Marchand


Il est temps qu’une nouvelle offre politique, autre que celle des extrêmes, redonne à l’Europe le souffle immédiat et à l’échelle des siècles dont elle a besoin.


Trop longtemps avons-nous souffert d’observer les éléments de structure européens se désagréger sans apparemment trouver de réponse adéquate de la plupart des hommes politiques européens et le paysage social du continent s’est manifestement dégradé. Hormis la parenthèse enchantée de 1998-2002, qui a vu des politiques inspirées et un contexte véritablement favorable, nous avons vécu des heures toujours plus délicates sur le plan économique. Le pire est que la crise ne devienne actuellement et à terme politique, les citoyens souffrants de ces paroxysmes de difficultés expérimentant par degrés et à tord une forme d’offre politique qui lui parait alternative, et qui en réalité ne les conduira, s’ils devaient la suivre, qu’à des difficultés bien plus grandes encore.



Les extrêmes ne sont pas la réponse à nos problèmes. Quels que soient les biais par lesquels ils entendent justifier leurs positions et choix politiques éventuels, une catastrophe économique menacerait rapidement si de telles politiques voyaient le jour. Le tissu d’inepties de leur programme ne saurait constituer un viatique. Par contre il faut répondre à tous les gens qui aujourd’hui souffrent de ne pas voir de changements concrets affecter en bien leur quotidien, hormis les récentes baisses d’impôts préconisées et les augmentations d’aides à la rentrée qui vont, elles, plutôt dans le sens d’une embellie économique. Il suffit de traverser le centre du pays ailleurs que par les autoroutes pour être frappé du degré de déliquescence de certains villages et des centaines de maisons qui sont laissées à l’abandon. La France, je le dis haut et fort, possède des atouts immenses, des constructions séculaires faites de murs de pierre qui ne demandent qu’à être rénovés et à être habités à nouveau. Il faut nous mettre en valeur ce patrimoine, gommer les jachères, renouveler les voies d’accès, construire à l’épreuve des changements climatiques comme c’est le cas dans les iles cycloniques où chaque maison est pensée dans cette perspective. 

Le pays pourrait assez aisément passer de sa population actuelle à une nation de 150 ou 200 millions d’habitants, tant est relativement déserte et géographiquement riche la France. Il faut que ce soit une population éduquée, imaginative, volontaire, décomplexée et capable de transmuer le travail physique en travail principalement intellectuel, mais pas seulement. C’est le sens des réalités qui a fait en partie la grandeur de notre peuple. Un fort coefficient en mathématiques et une propension à triompher des pires difficultés. C’est la fraternité qui a fait le ciment de cette partie du monde, et le consensus de tous, ce génie invisible qui habite la société et permet à la liberté d’y régner. Il faut réinventer toutes nos principales valeurs, les passer à l’étamine des versions réactualisées de la vie actuelle. La liberté doit être une liberté qui permette de se mouvoir sans entraves dans une société qui a profondément changée en quelques décennies, respectant ses lois et ses principes fondamentaux.



Nous souffrons d'une concentration exagérée des élites décisionnelles. Nos grands corps sont exagérément consanguins et insuffisamment renouvelés. Il en va de même de la politique, souffrant de vices rédhibitoires, par son peu de réactivité face à des problématiques qui demandent des réponses rapides, et par le manque de perceptives à long termes qu'il soit véritablement possible de créer au regard du calendrier. Elles l'empêchent d'ouvrir à la société civile les possibilités qu'elle devrait normalement avoir de se renouveler. Elle fait actuellement preuve d'une inadaptation critique, qu'elle que soit la valeur — bien réelle — des hommes qui la conduisent.

Paternaliste, manichéenne, patriarcale, verticale, autocentrée, autoritaire, lente, analogique, organisée autour du verbe et de la lettre, elle est souvent insuffisamment respectueuse des individus qu'elle ne parvient pas à prendre en compte sur une base individuelle. Elle présente beaucoup de défauts qui l'empêchent d'être réellement opérante. Or la société fonctionne déjà autrement. En avance sur les politiques, elle tend, au contraire, à être participative, en réseaux, intelligente, horizontale, égalitaire, rapide, civile, numérique, vivant autour de l'image et du son, du logo et du symbole, respectueuse de la valeur de chacun. Elle a intégré les ordinateurs, les tablettes et les smart-phones comme des éléments constitutifs de sa grammaire propre.

On assiste sans cesse au même partage de recettes quant aux meilleures méthodes qui permettraient de créer des emplois sur une base large et une croissance vigoureuse. Or nous en avons éteint la plupart des moteurs. Il s'agit à présent de peu à peu ré-oxygéner le corps social pour en faire fourmiller l'énergie, en faisant en sorte que les processus décisionnels redescendent dans la société et l'irriguent à tous les étages de ses activités. Chacun doit devenir le principal acteur de son destin individuel et un acteur de la société dans son ensemble.



L’un des principaux handicaps rencontrés, c’est le différentiel de parité de l’euro avec la plupart des grandes monnaies… Surévaluée, la monnaie commune grippe le moteur économique européen. Elle plombe des exportations qui mériteraient de meilleures conditions concurrentielles et freine le dynamisme pourtant réel d’une production industrielle de tout premier plan.

Il faut pourtant bien convenir qu'une sagesse générale émaille sur le long terme la conduite de l'action générale de promotion tous azimuts de tous les projets susceptibles de produire de la richesse. Il faut bien comprendre que beaucoup des mécanismes qui la guident dépendent de technologies et de médias qui en structurent la nature et qui s'ils en renforcent la puissance d'adaptabilité, la rapidité, la capacité d'intervention, induisent des automatismes qu'il s'agit de décrypter et de distribuer plus finement afin qu'ils conduisent à permettre aux forces à l'œuvre d'éviter leurs excès induits. Ainsi beaucoup des coordonnées bancaires se retrouvent diffusées sur internet et la réponse de Google sur les protocoles sécurisés va pour une fois dans ce sens. Les consultations en ligne seront davantage protégées pour devenir absolument infalsifiables.

D'autre part, fraction importante, non totale, mais non pour autant négligeable, une croissance nouvelle doit notamment se faire en bénéficiant de la dynamique des nouvelles technologies. Des secteurs d’avenir que le dynamisme des start-ups françaises permet d’aborder de manière quasi-idéale. Cependant, nous allons prochainement connaître trois révolutions industrielles quasi-simultanées. La première concerne l'environnement et les technologies vertes, le Green Power. La seconde concerne l'économie hydrogène et l’électricité,  avec la constitution de parcs automobiles et urbains basés sur la notion commune d'émissions zéro. Enfin le Web 3D, et celui des objets connectés, fournira une redéfinition profonde, passionnante, mais qui demandera elle aussi de la vigilance, des principales activités professionnelles. C'est une grande nouvelle, ici aussi. Pour se faire, elles doivent expurger la tendance quasi naturelle qu'elles ont d'à aller dans le sens de la dématérialisation et d'une automatisation toujours plus grande de leurs processus de fonctionnement.



Il faut y ajouter la télévision du futur, les écrans tactiles ou interactifs à venir, la redéfinition de vastes pans de l’activité sous le jeu croisé du numérique et de la gratuité. Il faudra assurément permettre à la valeur de trouver sa bonne destination, à savoir qu’elle doit aussi permettre d’irriguer les bassins qui produisent cette richesse et une théorie de la valeur numérique s’avère indispensable pour reterritorialiser cette part prépondérante de l’économie qui aujourd’hui est principalement captée par les grandes entreprises du net, mais ne bénéficie que très peu aux populations qui en sont à l’origine. Les problèmes induits sont innombrables et souvent cachés, mais les effets pervers laissent des millions d’hommes et de femmes dans une précarité qu’ils en devraient pas connaître. Elle sera probablement récompensée par le prochain prix Nobel d’économie. Les champions internet trouveront nécessairement d’autres terrains de jeu qu’ils s’emploient d’ailleurs déjà à conquérir.

Nous avons toujours une révolution de retard ; alors faisons enfin confiance à l’imagination des visionnaires pour accoucher dès à présent des schémas directeurs qui définiront les prochaines étapes des sciences et des techniques à venir. Prenons de l’avance, faisons confiance aux investissements publics pour permettre ces révolutions et définissons nous mêmes certaines de leurs particularités comptables. L’Europe doit prioritairement abandonner ses frusques pudibondes d’austérité et se doter d’un véritable budget adossé sur une TVA européenne calculée en retrait des TVA nationales, permettons l’émission à plus grande échelle d’eurobonds qui seraient spécialisés dans les investissements publics même si des approchants existent. Soyons plus ambitieux pour nous mêmes et pour les autres. L’Europe manque actuellement au monde. Son travail en faveur de la stabilité et de la prospérité internationale est minimisé par toutes les contraintes dans lesquelles elle est enferrée.

Il nous faudra penser ces politiques tout en retrouvant un rapport concret à notre environnement. La contrainte, là aussi, si elle est correctement traitée, pourra devenir un atout. L’intensité des échanges gagnée privilégiera l'humanité et le savoir. Le tableau, donc, n'est pas si noir. Les nouvelles technologies génèrent des domaines économiques, des branches de développement et des compétences nouvelles qui font appel à un plus grand savoir-faire humain. Mais très vite peut se remettre en place une logique productiviste qui en expurge la chair créatrice et en diminue l'implication humaine jusqu'aux prochains micro-cycles. Il faut placer des pare-chocs dans un domaine d'activité qui a prouvé un goût du profit dégagé de toute considération pour les individus concernés. Les plans de licenciement se succèdent, un cannibalisme d'entreprises a en partie fait place au cycle normal des affaires, et ce qui disparaît n'apparaît plus à terme que sous une forme virtuelle, fiduciaire, qui viendra accroître d'autres chiffres.



Il est bien entendu que nous n'avons pas affaire à des personnes complètement déconnectées des conséquences des opérations qu'elles émettent, mais il serait grand temps, maintenant  que nous savons que le néolibéralisme est par essence prédateur de la substance économique de pays entiers — ce qui en fait est le contraire de sa vocation intrinsèque — qu'une véritable éthique de respect de l'existant, avant de revenir dans le champs de l'investissement productif à moyen et long terme, se mette en place pour mieux protéger les salariés des remous qui emportent avec eux des entreprises florissantes mais soit-disant pas assez au regard des critères de rentabilité escomptés.

Il est temps de reprendre la main. Avant que des décisions mal réfléchies ne puissent grever durablement le tentatives de rétablissement à venir. Nous aurons  collectivement toutes les cartes en main si nous savons nous en donner les moyens.

Chacun doit envisager l’avenir avec confiance, courage et détermination.

Il sera difficile si nous le laissons se dégrader, si nous laissons le temps passer sans autre forme de réaction, mais un sursaut doit nécessairement intervenir pour transformer tous ces potentiels irréalisés en traductions concrètes, et cette démarche salvatrice, elle ne peut venir que de nous mêmes. Il est temps de se remettre à travailler. D’exercer les jobs de rêve auxquels nous pouvons aspirer ou les occupations rémunérées qui éloigneront enfin de nous les trois grands maux que sont l’ennui, du vice et du besoin, comme disait Voltaire. Le travail a cette puissance salvatrice. Il n’est pas forcément le « tripalium » parfois décrit par les anciens, mais peut et doit au contraire nous permettre de progresser sur la route de notre émancipation individuelle. Ce pouvoir d’achat qui naitra nous rendra notre autonomie et le pouvoir de choisir, celui d’être au yeux de nos enfants les meilleurs garants de leur avenir. Il n’a dans la situation actuelle que des avantages et créera un double cercle vertueux, en agrandissant la richesse individuelle et nationale, et en apurant les comptes sociaux de manière quasi-automatique. La France et l’Europe bénéficient de populations bien formées et sous employées : c’est une chance ! Elle garantira l’activité naissante de nouveaux secteurs, dont le quatrième, celui des biens immatériels.

Il faudra parallèlement réussir la massification de l'enseignement secondaire, donner le meilleur de leurs chances aux étudiants. Elle est en marche d'autant plus rapidement que dans ce domaine comme d'en d'autres une petite révolution est en train de se produire, sous l'influence conjuguées de nouvelles technologies ubiquitaires, comme les podcasts, les moocs, et le streaming en temps réel avec webcams. Généraliser ces technologies aux universités et grandes écoles parait être une nécessité incontournable. Les échanges vont aller croissant, au moment même où la position géographique  des intervenants perd de son importance. La qualité locale de vie va donc compter double.



La circulation sanguine de la planète est altérée. Elle doit être soignée, assistée, puis peu à peu rétablie d'une manière progressive et douce qui permette l'assainissement de zones géographiques entières. C'est l'investissement au plan mondial plutôt que la sempiternelle économie sur les salaires qui est à viser, c'est l'élargissement des structures en lieu et place des dramatiques économies d'échelles qui semblent guider l'entendement de ceux qui appliquent de manière aveugle — ou presque — les principes erronés qui président à la prise de ces décisions. Le mépris et le peu de cas qui est fait de millions d'hommes et de femmes est patent et dangereux. Nous sommes victimes d'une dynamique faussée, de cercles vicieux qu'il faut avoir l'énergie de transformer en cercles vertueux. L'argent doit circuler à tous les niveaux. La valeur doit bel et bien être repensée en prenant comme étalon l'homme, l'humain, l'individu. Son développement harmonieux au sein de la communauté dans laquelle il habitera.

C'est l'aide à la consommation, non par un unique vecteur mais par un ensemble de facteurs retour de l'activité. Le salaire minimum est une garantie nécessaire, il doit exister au sein d'un faisceau de droits et devoirs nouveaux qui permettent d'établir un nouveau contrat social et économique dont nous serions tous les bénéficiaires et par rapport auquel nous pourrions découpler notre intervention dans le domaine économique et culturel. Les situations absurdes doivent refluer et les bénévoles recevoir une part retour pour l'investissement qu'ils font de leur temps. Le temps est déjà une variable économique. Il peut devenir une variable symbolique de l'activité dans un champ économique donné dont il assure la pérennité.

Il s'agit de renforcer l'adjonction de règles dans des structures qui touchent la limite de leur logique parce qu'elles manquent de critères d'évaluation objectifs et de rattachements économiques précis. L'argent virtuel aujourd'hui a de moins en moins de contact avec la réalité économique, même s'il peut influer sur elle. Les règles de solidarité étendue en renforçant le rôle des structures sociales étatiques vont également aller dans le sens de la logique économique qu'il est nécessaire de mettre en place.

La main invisible doit devenir visible...

Internet, même s'il a provoqué une perte de substance par endroits, a créé les conditions d'une forme de normalisation politique par le haut qui rogne insensiblement toute tentative réelle ou supposée de contrôle abusif, alors même que c'est un outil policier de premier ordre. Face à la masse, les pouvoirs centralisés ne  sont pas en mesure d'imposer des logiques totalitaires sur des périodes longues de leur existence. Ils sont condamnés à faire positivement évoluer leurs modèle ou ils subiront un à un et la critique et la révolte de leurs populations, comme on le voit en Turquie ou en Tunisie. Cette donnée nouvelle, à l'origine du pseudo-choc de civilisations dans un premier temps, comme pouvaient l'avoir été en leur temps, et face à l'imprimerie de Gutenberg, les guerres de religion est en train de produire quasiment le même type d'effet. A savoir une sortie, certes très progressive, mais avérée, de l'obscurantisme religieux et la marche vers une société renaissante et à terme un nouvel âge des lumières, comme cela a été le cas en France au XVIIIème siècle. Elle donc est aussi à la source des printemps arabes, se trouve être la conséquence directe d'une stratégie du contournement, caractéristique essentielle d'internet. L'information impossible à étouffer agit comme un principe révélateur qui exclut celui qui cherche à exclure, et inclut celui qui cherche à inclure. Elle fait apparaître au grand jour la nature illégitime des dictatures et récompense la générosité, l'ouverture, la solidarité, l'attention au autres et le travail destiné à faire progresser l'humanité. C'est donc un atout si nous savons le mettre au service d'un mieux-disant social. Et l'Europe, là aussi a son rôle à jouer.


20 Août 2014

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