Juin
2016

L'actualité du Mois



Good Luck England
Par
Gilles Marchand


La décision anglaise de sortir de l’UE n'est pas seulement un coup porté à la stabilité du continent européen, c’est aussi une grave erreur de politique intérieure.

Au matin du Brexit, alors que les bourses du monde commencent à plonger, que la livre sterling perd 10% de sa valeur, que l’or atteint des sommets records, les vrais européens assistent quasi impuissants à l’effondrement de l’Angleterre, victime des idées imprévoyantes d’une classe politique en mal d’inspiration qui a décidé de jouer aux dés avec l’avenir commun, victime des discours flatteurs et populistes dont elle a copieusement été abreuvée, également hallucinée par un chantage à la grandeur et à l’indépendance dont l’avenir prouvera à quel point il peut être illusoire et contre productif. Nous sommes face à une clique d’apprentis-magiciens qui jouent avec la poudre et ne comprennent que trop tard son pouvoir détonnant.



C’est une forme de candeur qui a présidé à la décision d’organiser un Brexit. Calcul génial pour les uns, moyens de pression bienvenu pour les autres, ce devait être une manière de remettre l’Angleterre au centre du jeu européen. C’est en définitive une énorme erreur politique, une décision qui sera lourde de conséquences. Le pays privé de ses rattachements politiques et symboliques avec l’Europe risque malheureusement de s’enfoncer dans une crise profonde. Les indicateurs que nous redoutions s’allument. Le populisme s’en trouve conforté et Marine Le Pen crie déjà à l’organisation d’un scrutin similaire en France. On peut lui faire confiance pour nous réconcilier avec les autres peuples européens et le reste de la planète ! Mais le pire pour l’Angleterre est que le Royaume-Uni est désormais menacé. Les irlandais du Nord ont voté pour un maintien dans l’UE qui risque de raviver des tensions anciennes et surtout l’Ecosse désire à présent y rester ce que son vote confirme. Les écossais comprennent tout le parti que représente un lien à l’Europe et l’intérêt pour eux d’y être inscrits.



Le nationalisme c’est la barbarie. Barbarie fasciste, barbarie stalinienne, barbarie nazie, barbarie franquiste, tout ce que la mémoire de l’Histoire avait contribué à faire disparaitre. Mais les peuples sans mémoires s’engagent dans des voies qui les ramènent à l’origine des conflits. Nous ne voulons ni du populisme, ni d’un nationalisme écervelé pour nos enfants et petits-enfants. Nous voulons redéfinir le projet européen, pour le faire avancer dans la bonne direction. Débarrassé de la force objective de nuisance anglaise, celui ci peut dépasser les antagonismes actuels pour se réinventer et renaitre. Mais il faudra juguler les forces centrifuges qui risquent de se manifester à présent et surtout présenter aux européens le  visage d’une Europe protectrice qu’elle n’aurait jamais du cessé d’être. Une Europe des peuples pour les peuples qui puissent enfin entériner l’angle social prôné par Jacques Delors et bâtir les politiques communes réelles qui sont nécessaire pour solutionner les crises auxquelles elle fait face. Le pire est de constater que ce sont les mêmes conservateurs anglais qui ont bloqué à Bruxelles toutes les tentatives de doter l’Europe de ces instruments qui ont ensuite fait tellement défaut qu’on l’a accusée à tord d’être incapable de fixer les crises, notamment migratoires et terroristes. Piètre bénéfice politique qui est en train de revenir comme un boomerang atteindre ces mêmes conservateurs.



Je ne sais pas précisément de quoi l’avenir sera fait, mais une vision claire des enjeux n’est pas un luxe par le temps qui courent. L’Europe est enfin libre de la capacité de nuisance anglaise mais à un moment où le projet s’est effiloché au point qu’elle est relativement désunie. Le danger est grand. Il va falloir que les leaders européens fassent preuve d’un sens politique accru et sachent réorganiser l’union politique du continent. Avancer sur le sujets préalablement sabotés par l’Angleterre et créer les conditions d’une exemplarité hors-norme et d’une acceptabilité retrouvée. L’Angleterre ne va pas disparaitre de la carte mais elle a pris un risque bien trop grand au regard de ses possibilités réelles. On lui souhaite de retrouver le chemin d’une relation plus poussée avec l’Europe qui est sa terre de rattachement naturelle. « We don’t quit » était la devise de Churchill, mas il faudra des dirigeants de sa trempe pour sortir le pays de l’ornière dans laquelle il s’est embourbé. Sur le continent, si les leaders actuels ne parviennent pas à imaginer une perspective historique claire, il faudra qu’apparaisse une nouvelle génération de leaders, résolument européens et clairvoyants, qui sachent produire suffisamment de temps et d’espace pour leurs concitoyens en leur décrivant de manière précise les nouveaux enjeux et opportunités qui pourraient bien se dégager à terme et dans l’immédiat. Toujours est-il que nous souhaitons bonne chance à l’Angleterre désormais retranchée dans son splendide isolement et que nous espérons qu’elle sache que le lien qui la rattache à l’Europe jamais ne se cessera d’exister et jamais ne se brisera.


24 Juin 2016

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