Une Autre Vision du Monde
Par Gilles Marchand

Loin de nous l'idée de jouer ici un rôle de trouble-fête, mais je crois qu'il est important d'ouvrir des perspectives et d'aller à l'encontre de certaines conceptions, qui en matière de politiques culturelles, sont aujourd'hui dépassées, ou, plus exactement, d'imaginer les conceptions nouvelles sans lesquelles nous pourrions un jour courir de graves dangers.

Jeudi et Vendredi à un sommet de la Banque Mondiale sur le développement de l'Afrique... Nous avons beaucoup discuté, pour ceux qui connaissent le sujet, du NEPAD, et aussi, en tant que président d'une ONG, du rôle des nouvelles technologies dans le décollage économique de l'Union africaine. Vous devez vous dire, mais quel rapport entre la coopération, le développement économique d'autres continents, et la Culture ?

Il y en a un, et il est vital. La semaine prochaine à Genève aura lieu le sommet mondial de la société du savoir et ces problématiques ne sont pas anodines.

Vous ignorez peut être que l'Europe est d'une certaine manière en train de financer un décollage de l'Afrique qui risque de se faire au bénéfice de l'Asie. La Chine, absorbe aujourd'hui plus de la moitié des flux d'investissements mondiaux, devant les Etats-Unis, et bien sûr, devant l'Europe.

Nous sommes peut être à l'heure où nous discutons tranquillement dans cette salle, en train de perdre une bataille gigantesque aux conséquences encore insoupçonnables pour notre avenir collectif. En effet, le leadership économique confère presque de facto, un leadership culturel. La France était le centre de l'attention internationale dans le domaine des arts, alors qu'elle était au faîte de sa puissance économique.

Pourquoi est-ce que je vous dis cela ? Tout simplement parce qu'il n'est plus possible de négliger cette dimension internationale. On s'aperçoit aujourd'hui que le français est au 9eme rang mondial, en terme de présence sur Internet, malgré la francophonie, et que la Corée du Sud se situe devant nous. Plus surprenant, encore, l'Allemagne est 5eme position, alors qu'elle ne dispose pas officiellement d'une ancienne zone d'influence coloniale, comme c'est notre cas. C'est donc bien un problème d'attitude et de volonté, volonté politique en grande partie, car tout ceux que j'ai rencontrés, du Directeur Europe de la banque mondiale, au ministre de la coopération belge, en passant par l'ensemble des responsables africains, notent un recul de la visibilité française en terme de présence.

Nos politiques semblent inadaptées et peu efficaces. La coopération ne marche pas. Le Rwanda reste, de l'avis de tous ses acteurs, le souvenir d'une terrible sensation d'échec. Les centres français, et ce n'est pas là une réalité strictement africaine, tournent en dessous de leurs capacités. L'alliance française recule partout, ou presque. La diplomatie française enregistre des succès qu'elle ne parvient pas à transformer, parce que la structure de transmission est très en dessous de ses possibilités.

C'est, et je le répète, un problème éminemment culturel.

C'est aussi un problème d'imagination politique. Nous n'avons pas su mobiliser les ressources de réflexion nécessaires pour renverser cet état de chose. Or cette situation, observée en Afrique, s'étend à l'Amérique Latine, aux pays arabes, et à ceux d'Asie du sud-est.

Il est grand temps de réagir. Pourquoi ?

Après tout, nous pourrions très bien supporter les blessures narcissiques d'un orgueil national qui a été maintes fois meurtri par un de nos grands classiques, la défaite sportive. En général, on a perdu, mais on a notre honneur. Malheureusement, nous constatons, et c'est plus grave, que de manière de plus en plus dure, de plus en plus dramatique, aujourd'hui en France et en Europe — et ceux qui situent le cadre de réflexion approprié à cette échelle ont souvent raison — nous enregistrons comme au greffe les effets induits de cette lente dérive des continents et ce n'est pas pour vous faire subir une autre variation sur le thème du déclin. Les conceptions qui présidaient au consensus de Washington, et là, ce n'est pas tant économique que culturel, et même idéologique, au sens péjoratif du terme, sont partout dominantes, y compris en Afrique. Et nous n'avons pas nous mêmes de raison de pavoiser. L'honneur vacille quand nous voyons notre protection sociale exploser, les délocalisations se multiplier, nos services publics disparaître, nos administrations soumises à des logiques entrepreneuriales, tout cela est le résultat direct d'une sorte de perte progressive d'immunité culturelle et conceptuelle et ce n'est pas là un paradoxe.

Je pense comme beaucoup d'entre vous, je l'espère, que la culture est la clef de l'économie de demain.

Il nous faut donc reconstruire ce qui a été détruit, puis le dépasser, pour mettre en valeur nos atouts, et ils sont nombreux, souvent consciencieusement ignorés, et vaincre nos faiblesses, tout cela dans le cadre de nos réflexions.

C'est pourquoi, nous devons ensemble affirmer que la politique culturelle étrangère, part intégrante des politiques culturelles tout court, ne doit pas être la prérogative d'une congrégation professionnelle dont le métier est la diplomatie.

Les questions de culture française dans le monde devraient être pensées, formulées, et mises en œuvre par des gens dont c'est la vocation, c'est à dire des gens qui, conscients des réalités politiques et des enjeux économiques de la situation internationale, soient aussi en mesure de les replacer dans une problématique de culture, dimension essentielle qui n'est pas réellement prise en compte à l'heure actuelle.

Le constat n'est pas anecdotique. Il y a 30 millions de personnes atteintes du sida en Afrique, et des centaines de millions qui vivent dans des conditions de pauvreté dégradantes, et qui plus est, subissent des guerres, des famines, et d'autres pandémies, toutes choses qui si elles étaient instruites, pourraient souvent être évitées.

Faire enfin rattacher au Ministère de la Culture, tout ou partie de cette action, consistant à faire éclore la connaissance selon les valeurs que défendent aujourd'hui les européens, consiste à pratiquer une politique de civilisation, au sens où l'écrit Edgar Morin, dans un petit livre. Cela lui permettrait de créer le chaînon manquant d'une politique dont on voit bien qu'elle a atteint ses limites sous l'égide des Affaires Etrangères. Surtout en des temps de clash symbolique dramatiquement illustré par le terrorisme. Chose que le monde entier attend de la France et de l'Europe. Ces questions très larges ont des répercussions directes sur l'action que nous menons à l'intérieur du territoire national, et ce dans des domaines parfois inattendus.

Comme, par exemple, le succès ou l'échec de notre engagement et de sa traduction concrète.

C'est pourquoi j'ai envie d'imaginer avec vous, ici et au delà, ce programme auquel nous travaillons, en suggérant d'attribuer au Ministère de la Culture un secteur qui, par nature, lui revient, et surtout d'imaginer les modalités d'une politique inspirée et forte, qui tiennent compte des problématiques transversales auxquelles nous sommes aujourd'hui collectivement confrontés. Alors, oui, nous aurions une chance de voir triompher, y compris en Europe, les valeurs auxquelles nous sommes tous attachés.


Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015




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