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                          Les socialistes du PSE fixent le programme d'une Europe 
                          sociale.
 A 
                          la demande du Parti socialiste européen, une 
                          commission présidée par Pascal Lamy a 
                          élaboré une plate-forme pour construire 
                          une Europe plus à gauche. Elle est soumise aux 
                          leaders des partis, réunis à Madrid, qui 
                          s'inquiètent d'un éventuel "non" 
                          du PS français à la Constitution.
 
 L'Europe peut avancer, à gauche et dans le cadre 
                          des traités actuels. C'est le message qu'entendait 
                          faire passer l'ex-commissaire français Pascal 
                          Lamy aux dirigeants socialistes européens, réunis 
                          vendredi 26 et samedi 27 novembre à Madrid.
 
 Cette réunion, qui rassemble les leaders sociaux-démocrates, 
                          à l'exception de Tony Blair et du chancelier 
                          allemand Schröder, se tient alors que toute l'Europe 
                          de gauche a les yeux rivés sur les socialistes 
                          français. Un "non" de leur part pourrait 
                          provoquer un rejet par la France de la Constitution, 
                          soutenue par tous les partis sociaux-démocrates 
                          européens.
 
 A la demande de la direction du Parti socialiste européen 
                          (PSE), M. Lamy a présidé un groupe de 
                          travail chargé de rédiger un programme 
                          socialiste européen pour la durée du mandat 
                          de la Commission Barroso. Ce texte prend la forme de 
                          64 propositions concrètes que la Commission est 
                          appelée à mettre en œuvre ces cinq 
                          prochaines années.
 
 
 
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                    Le premier objectif de ce programme est de 
                    montrer qu'il est possible, dans le cadre des traités 
                    actuels, de mener en Europe une politique plus à gauche. 
                    Sa publication tombe volontairement juste avant le vote des 
                    militants socialistes français. Elle doit aider à 
                    démontrer que ce ne sont ni les traités ni la 
                    future Constitution qui sont libéraux, mais la manière 
                    dont ils dont appliqués. 
 Le deuxième objectif est de prendre de court la nouvelle 
                    Commission, dominée par la droite libérale, 
                    sous la présidence de l'ancien premier ministre portugais, 
                    José Manuel Barroso. Ce dernier ne présentera 
                    qu'en janvier son programme de travail. Les socialistes entendent 
                    occuper le terrain en premier et monnayer au Parlement européen 
                    leur soutien, quasi indispensable, à la Commission.
 
 Le troisième enjeu est de donner une ossature au PSE. 
                    Le programme présenté avant les élections 
                    européennes de juin est apparu bien tiède alors 
                    que Verts, libéraux et communistes sont parvenus à 
                    rédiger une vraie plate-forme européenne. Il 
                    s'agit aussi de tirer les conséquences de l'échec 
                    de l'"Europe rose", lorsque tous les gouvernements 
                    étaient de gauche ou de centre gauche à la fin 
                    des années 1990. "Qu'est-ce que nous avons fait 
                    ensemble ? Rien, car nous n'avions pas mené la réflexion 
                    idéologique nécessaire", estime M. Lamy. 
                    Chacun campait sur ses positions nationales.
 
 Le 
                    rôle de l'État réhabilité
 
 Le groupe de travail dresse un constat du divorce 
                    entre la gauche et l'Europe : crise de légitimité 
                    du système politique européen, alors que moins 
                    d'un citoyen sur deux s'est déplacé aux élections 
                    de juin ; crise économique d'une Europe en faible croissance 
                    ; crise sociale alors que le chômage touche 9 % de la 
                    population active.
 
 "Il faut reconnecter la gauche et le centre gauche avec 
                    l'Europe", estime M. Lamy. Ses propositions ne font pas 
                    l'objet d'un consensus. "Elles sont plus dures que ce 
                    que peut accepter le PS français concernant le marché 
                    intérieur, dit-il, plus dures que ce que peuvent accepter 
                    les Britanniques en matière fiscale et sociale, plus 
                    dures que ce que peuvent accepter les Allemands en matière 
                    d'immigration." Pour éviter d'entrer dans une 
                    guerre d'amendements, le texte n'a pas été soumis 
                    à un vote. M. Lamy s'en explique dans une lettre introductive 
                    adressée au président du PSE, Poul Nyrup Rasmussen. 
                    "Certains ministres nationaux m'ont indiqué qu'ils 
                    ne pouvaient pas être d'accord avec certaines parties 
                    du rapport et certaines propositions, notamment parce qu'ils 
                    ne sont pas en mesure d'engager leur gouvernement national 
                    sur cette voie", écrit M. Lamy.
 
 Il s'agit de la secrétaire d'Etat au commerce et à 
                    l'industrie britannique, Patricia Hewitt, qui ne voulait pas 
                    cautionner une plus grande intégration fiscale et sociale 
                    avant le référendum britannique. Il s'agit aussi 
                    du ministre des finances espagnol, l'ancien commissaire européen 
                    Pedro Solbes, réticent à priver la Banque centrale 
                    européenne de la responsabilité de fixer la 
                    politique de change de l'euro pour la rendre, comme le prévoient 
                    les traités, au conseil des ministres. Les Allemands 
                    du groupe de travail, la ministre du développement, 
                    Heidi Wieczorek-Zeul, et le commissaire européen Günter 
                    Verheugen ont approuvé le texte. Mais le chancelier 
                    Schröder, aux prises avec ses réformes, ne veut 
                    surtout pas s'encombrer du PSE. Le SPD sera représenté 
                    à Madrid par Martin Schulz, président du groupe 
                    PSE au Parlement européen, rival de M. Rasmussen. L'ancien 
                    premier ministre danois a été élu, en 
                    avril, à la tête du PSE pour en faire un vrai 
                    parti.
 L'objectif du texte de Pascal Lamy est d'être débattu 
                    par les partis nationaux pour mettre fin au grand écart 
                    entre les discours nationaux de chacun et la pratique européenne. 
                    Particulièrement charpenté dans sa partie économique, 
                    il marque un retour à une gauche plus traditionnelle 
                    et une prise de distance avec le social-libéralisme 
                    de Tony Blair, qui a inspiré en 2000 le "programme 
                    de Lisbonne", censé faire de l'Europe l'économie 
                    la plus compétitive du monde. Il plaide pour que ce 
                    programme, rebaptisé "Développer l'Europe", 
                    conserve sa composante sociale et environnementale, alors 
                    que M. Barroso et un bon nombre de gouvernements entendent 
                    donner la priorité aux libéralisations.
 
 Surtout, le groupe Lamy réhabilite le rôle de 
                    l'Etat dans l'économie. Ainsi, constatant que l'investissement 
                    public est passé de 4 % du PIB dans les années 
                    1970 à 2,4 % dans la zone euro, le texte appelle à 
                    faire augmenter ce taux de 0,3 % d'ici à 2007 et à 
                    concilier le pacte de stabilité avec ces objectifs. 
                    Il propose de doubler le budget communautaire alloué 
                    à la recherche, qui atteindrait 40 milliards d'euros 
                    sur la période 2007-2013. Il préconise une "nouvelle 
                    politique industrielle" , avec un dialogue social sectoriel 
                    pour anticiper les changements dans le textile et la construction 
                    navale, ainsi que la création d'un fonds de reconversion 
                    pour les bassins d'emplois sinistrés. Enfin, il propose 
                    une série de directives pour augmenter les exigences 
                    minimales en matière sociale.
 
 
 Les principales propositions du groupe Lamy
 
 • Rebaptiser le "processus 
                    de Lisbonne" pour l'appeler "Développer l'Europe" 
                    et adopter un programme de travail sur cinq ans pour sa mise 
                    en œuvre.
 • Accroître les investissements publics, 
                    d'ici à 2007, de 0,3 % du produit intérieur 
                    brut européen.
 • Proposer, d'ici à 2007, l'harmonisation 
                    de la base fiscale de l'impôt sur les sociétés.
 • Avoir d'ici à 2013 une représentation 
                    unique de la zone euro dans les institutions internationales.
 • Doubler le budget européen de la recherche, 
                    tripler le nombre de bourses accordées aux chercheurs, 
                    faire passer d'ici à 2013 le nombre d'étudiants 
                    bénéficiant du programme Erasmus de 120 000 
                    à 390 000.
 • Présenter une communication sur le futur industriel 
                    de l'Europe dans les secteurs stratégiques et y allouer 
                    400 millions d'euros sur la période 2007-2013.
 • Avoir un budget consacré à la politique 
                    de solidarité avec les régions les plus pauvres 
                    équivalent à 0,46 % du PIB européen.
 • Réviser la directive sur le temps de travail 
                    et mettre fin à la clause d'exemption dont bénéficient 
                    les Britanniques.
 • Adopter une directive sur les services publics 
                    incluant les principes d'égalité d'accès, 
                    de qualité et de financement des obligations de service 
                    public.
 • Lier l'octroi des aides agricoles au respect 
                    des normes environnementales.
 • Faire passer de 6 % à 12 % la part des 
                    énergies renouvelables d'ici à 2010.
 • Prendre en compte les émissions dues aux transports 
                    et aux bâtiments dans le protocole de Kyoto sur la limitation 
                    des gaz à effet de serre dans la période 2013-2017.
 • Lancer un programme de grandes infrastructures 
                    en identifiant dix projets précis.
 • Créer un corps de gardes-frontières 
                    européens.
 • Faire adhérer l'Union à la convention 
                    européenne des droits de l'homme.
 • Mettre en œuvre une politique commune de quotas 
                    en matière d'immigration légale.
 • Protéger les données individuelles 
                    dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
 
 Le 
                    SPD allemand, poids lourd socialiste de l'UE
 
 Les effectifs des différents partis 
                    socialistes européens restent très variables 
                    en fonction de leur histoire et de leur situation locale. 
                    Les données officielles fournies par certains d'entre 
                    eux sont, par ailleurs, sujettes à caution. Il faut 
                    donc considérer comme une simple estimation les chiffres 
                    concernant le nombre d'adhérents. Le Parti socialiste 
                    (PS) français compte quelque 120 000 membres. Le Parti 
                    social-démocrate allemand (SPD) dénombre 700 
                    000 mili- tants encartés. Le Labour Party (Parti travailliste) 
                    de Tony Blair regrouperait 190 000 membres et a enregistré 
                    une forte baisse de ses effectifs au cours des dernières 
                    années. Le Parti socialiste (PS) francophone belge 
                    compte quelque 100 000 militants (pour une population de 4,3 
                    millions de personnes). Son homologue flamand, le Parti socialiste 
                    néerlandophone (SP.A), en revendique 80 000. Le Parti 
                    social-démocrate autrichien (SPÖ), autre parti 
                    de masse, regroupe 342 000 personnes. Le Parti socialiste 
                    ouvrier espagnol (PSOE) compterait, selon des chiffres datant 
                    de 2000, 410 000 membres.
 
 Novembre 
                    2004
 
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